S’il faut reconnaître une vertu à cette crise sanitaire, c’est d’avoir remis la décentralisation sur le devant de la scène institutionnelle française. Le mirage d’une « nouvelle étape » pour plus d’autonomie des collectivités locales se brise à chaque fois sur le mur d’un État à l’organisation concentrée inébranlable.
Pourtant, depuis le 15 mars, c’est comme si on découvrait la capacité presque sans limite des collectivités locales à gérer au quotidien cette crise sanitaire devenue économique.
Il faut le dire et le répéter, les collectivités ont su apporter des solutions concrètes à nos concitoyens alors que l’État semblait démuni, comme paralysé par l’enjeu et ses règles de fonctionnement ; la gestion des masques n’en est qu’un des exemples les plus symboliques.
Les communes, départements et régions ont su prendre leurs responsabilités et démontrer leur efficacité. Un consensus s’impose désormais : l’État doit bouleverser l’idée de la décentralisation et libérer les énergies locales.
Pour une décentralisation de conquête, il faut stopper la mainmise des préfectures sur les collectivités.
Ce nouvel élan de décentralisation doit donner aux acteurs locaux les moyens de s’émanciper d’une tutelle préfectorale devenue paralysante.
Depuis près de 40 ans, l’ascendance des services déconcentrés de l’État sur les élus de territoires est devenue difficilement supportable au quotidien, compliquant les initiatives et actions locales. En matière d’urbanisme notamment, les marges de manœuvre des communes sont toujours restreintes face aux règlements et normes divers qui viennent souvent contredire des engagements électoraux.
Sur ce point précis, nous sommes en droit de nous interroger sur la volonté réelle du gouvernement, quand le nouveau Premier ministre annonce que l’État veut renforcer le recrutement au sein des préfectures.
L’État concentré « à la française » doit enclencher sa révolution institutionnelle et mettre fin à l’uniformité des collectivités sur l’ensemble du territoire.
De ce point de vue, la crise de la Covid-19 a été un révélateur. Les collectivités ont su adapter leurs réponses dès lors que l’État était comme paralysé sur les volets sanitaires et économiques.
Comme chacun sait, l’autonomie des territoires passe par davantage de liberté fiscale, mais pas seulement.
Outre l’abandon supplémentaire par l’État concentré d’une partie de son pouvoir aux collectivités, l’homogénéité des règles sur le territoire national n’a plus de sens dès lors que les territoires peuvent s’administrer librement. La situation de Limoges est différente de celle de Bordeaux, tout comme celle de la Région Ile-de-France avec les Hauts de France.
L’État doit non seulement accepter ce changement de logiciel, mais il doit l’accompagner. Toute nouvelle étape de décentralisation qui n’aurait pas l’ambition et la volonté de prendre en compte ces impératifs n’en serait pas une. L’efficacité de l’action locale et du service public de proximité est à ce prix.
Autant dire que nous serons vite fixés sur les véritables intentions du gouvernement.
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