Expert en démocratie et en participation citoyenne, membre de la Commission nationale du débat public depuis le mois de mai, le professeur de science politique Loïc Blondiaux a vécu de l’intérieur, au sein du comité de gouvernance, la Convention citoyenne pour le climat (CCC). Il voit dans cette expérience inédite en France un moyen d’améliorer la démocratie représentative, et non sa remise en cause, comme des critiques s’en font l’écho. Loïc Blondiaux estime d’ailleurs que les corps intermédiaires pourraient en sortir renforcés. Il juge pertinent de reproduire ce dispositif sur des sujets structurants, comme la santé. Mais appelle à être vigilants quant à la traduction en actes de telles initiatives dans les politiques publiques.
La Convention citoyenne pour le climat représente-t-elle un point de non-retour en matière de démocratie participative ou une expérience sans lendemain ?
Du point de vue de ce qu’elle a réalisé, c’est une réussite. Ses résultats n’ont rien à envier, en termes de qualité de contenu, à ce qu’auraient pu produire des acteurs politiques placés dans les mêmes conditions. Les citoyens ont aussi démontré qu’une délibération organisée de manière rigoureuse peut dégager une forme de consensus sur un sujet d’intérêt général. Quant aux critiques, parfois violentes, formulées à son encontre, elles peuvent être lues comme un hommage rendu à l’exercice, l’indice qu’il est pris au sérieux. C’est un bon signal si l’on veut inventer de nouveaux outils de délibération. Il y aura un avant et un après : la CCC a fait avancer la réflexion et levé des préjugés sur la démocratie participative et délibérative. Cela dit, il faudra être extrêmement vigilants sur la traduction de ses propositions dans l’action publique.
Certains dénoncent une attaque contre la démocratie représentative et le triomphe de la démocratie directe. Que leur répondez-vous ?
Que c’est un propos simpliste et un combat d’arrière-garde ! Nous n’avons pas affaire à de la démocratie directe, puisque le peuple ne décide pas : il participe à l’élaboration de la décision et propose. On parle ici de démocratie délibérative, dans laquelle le processus de construction de la décision est fondamental afin qu’elle soit acceptée et tenue pour légitime. Dans notre système actuel, l’espace de formation de la décision est réservé à un tout petit nombre d’acteurs (élus, experts…). La démocratie délibérative constitue ainsi un approfondissement de la démocratie représentative, pas une alternative. Dans un contexte d’abstention croissante aux élections, nous sommes contraints à l’imagination si nous ne voulons pas que nos institutions politiques disparaissent et soient remplacées par des formes autoritaires de pouvoir.
Que dites-vous aux corps intermédiaires, les associations notamment, qui ont regretté de ne pas avoir été directement associés à la convention citoyenne ?
Ils ne doivent pas craindre d’être court-circuités et, in fine, affaiblis. On peut même faire le pari qu’ouvrir la délibération à des citoyens qui pourront avoir des demandes proches des leurs contribuera à renforcer leur position. L’écosystème de la démocratie suppose une pluralité de représentation des intérêts, ceux de la rue comme ceux plus institutionnalisés. La CCC a montré que la participation citoyenne pratiquée localement est transposable au niveau national, à condition de lui accorder du temps et des moyens. Il faut aussi réserver ce type de dispositifs à des débats structurants, dans lesquels des citoyens s’investiront et livreront leur conception de l’intérêt général. L’avenir de notre système de santé pourrait être l’un de ces sujets amenant des citoyens à enrichir la réflexion politique par leur expérience.
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