Yosr Kbairi, ingénieure en chef, promotion Wangari-Muta-Maathai (2019-2020) ;
Marion Laguerre et Luce Perez-Tejedor, élèves conservatrices territoriales de bibliothèques, promotion Alan-Turing (2019-2020)
Face à l’urgence écologique, si la donnée contribue à l’optimisation des ressources, son cycle de vie s’avère coûteux sur le plan environnemental. S’ajoute le coût humain de notre dépendance au numérique. Nos capacités cognitives en sont notamment affectées. La donnée a désormais une portée politique : elle impacte la vie dans la cité. Au-delà d’un objet technique idéal manipulé et compris par des initiés, elle se veut levier au service d’un projet sociétal.
Si nos administrations produisent des volumes de données considérables, elle tend à être perçue comme une fin et non un moyen. Considérée comme objet idéal, la forme d’objectivation qu’elle rend possible peut venir réduire l’infinie complexité du réel. Malgré ces limites, elle compte au nombre des ressources du territoire : elle est une clé pour l’observer, mieux le connaître et libérer le pouvoir d’agir des citoyens, élus et agents. Livrant une connaissance inédite des parcours de précarisation et d’insertion, elle ouvre la voie à des formes renouvelées de solidarité et d’innovation, et se révèle indispensable pour s’adapter aux nouvelles réalités sociétales telles que le vieillissement, l’isolement ou les recompositions familiales. Les données publiques deviennent des ressources que les organisations peuvent décider de s’approprier. L’heure est au choix.
Ubérisation du service public
Les acteurs privés, eux, ont choisi : la donnée produit de la valeur dont ils s’emparent. L’ouverture des données publiques facilite cette captation. Les géants du web se positionnent sur des pans de services publics. Doctolib ou Google deviennent des acteurs incontournables de la prise de rendez-vous médicosociaux ou des mobilités, au point de concurrencer l’action des collectivités publiques. Un risque d’ubérisation du service public émerge, pouvant fragiliser à la fois la place de l’intérêt général et le principe de continuité, au cœur du service public. Il apparaît urgent que les collectivités gardent la main pour assurer que la donnée, tout en catalysant l’innovation, reste un bien public au service des territoires. Ce qui est en jeu : leur souveraineté.
En protégeant les données personnelles et sensibles des citoyens, les collectivités montrent l’exemple en matière de préservation des libertés fondamentales, assurant le maintien d’une frontière entre l’intime et l’extime (part de l’intimité volontairement rendue publique). Or, cette frontière ne perdure que par l’existence d’un « consentement éclairé ». Fondement de notre démocratie, ce consentement est éclairé par des données lisibles, compréhensibles, et un regard critique vis-à-vis de la masse d’information qu’elles constituent. Plus que jamais, la collectivité a un rôle à jouer en matière d’éducation aux données, aux médias et à l’information.
Au service de l’intérêt général, les collectivités sont d’autant plus responsables des conséquences liées aux enjeux de la donnée. Pour « une vie authentiquement humaine », futurs élus locaux, bâtissez une nouvelle éthique de la donnée !
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