L’arrêt rendu le 17 décembre 2008 par la Cour de cassation dans le conflit qui oppose la commune de Mesquer à Total marquera l’histoire du droit européen de l’environnement. Après neuf années d’un bras de fer tenant de David contre Goliath, la collectivité, défendu par le cabinet Huglo-Lepage, a obtenu au civil la reconnaissance de la responsabilité de la multinationale dans la marée noire occasionnée en décembre 1999 par l’échouage au large des côtes bretonnes du pétrolier Erika. «Cela devrait en faire réfléchir plus d’un à l’avenir», se réjouit le maire, Jean-Pierre Bernard.
En juin 2008, saisie par les juges français de questions préjudicielles, la Cour de justice des communautés européennes (CJCE) avait ouvert la porte à une telle conclusion. Elle indiquait alors que «le principe du pollueur/payeur exige une prise en charge financière du coût de l’élimination des déchets générés par le naufrage d’un navire pétrolier». Ce coût doit être supporté par les «détenteurs antérieurs», en l’occurrence Total International, ou par le «producteur du produit générateur de déchets», en l’occurrence Total France. Dit autrement, des hydrocarbures se transforment en déchets lorsque, déversés accidentellement en mer, ils se mélangent à l’eau et viennent détériorer l’environnement. Et Total, tout à la fois vendeur et affréteur, «a contribué au risque de survenance de la pollution» par le choix du navire.
Seule à s’être engagée sur cette voie, Mesquer n’en a pas fini avec son combat judiciaire. Au printemps prochain, et au pénal cette fois-ci, la cour d’appel de Bordeaux statuera sur la responsabilité ou non de Total dans la sélection du navire. Le 16 janvier 2008, le tribunal correctionnel de Paris avait répondu par l’affirmative, invoquant «une faute d’imprudence», et condamné le groupe à verser 192 millions d’euros à la commune et à plusieurs dizaines d’autres collectivités. Le groupe a depuis versé cette somme et, «quelque soit le résultat du jugement en appel», il n’en demande pas la restitution. Mais, image de marque oblige, il espère être dédouané.
Pour en savoir plus
Arrêt rendu par la Cour de cassation le 17 décembre 2008