À bien des égards, la pandémie de Covid-19 est une déflagration politique. Le confinement auquel la population est aujourd’hui contrainte – à défaut de meilleures options – n’en est qu’un aspect. Mais un aspect non moins signifiant tant il révèle, de manière exacerbée, les limites béantes de nos modes de gouvernement, dont le caractère démocratique s’est déjà substantiellement étiolé.
Que l’on songe pêle-mêle à la situation catastrophique de pénurie dans laquelle se trouve aujourd’hui le système sanitaire, au mouvement de fermeture généralisée des frontières de par le monde, ou encore à la brutale mise en évidence des inégales conditions du confinement, tout cela révèle une profonde crise de nos relations politiques.
La question, désormais, n’est rien moins que celle de penser, dans l’urgence, les relations du monde d’après – entre les humains, mais aussi avec les non-humains – pour faire face aux enjeux démocratiques, sociaux, économiques et environnementaux de nos existences. Or, face à cela, la question des données avec lesquelles se bricoleront ces articulations nouvelles apparaît, en tout point, fondamentale.
Alors que les derniers avatars du monde d’avant se fissurent aujourd’hui sur l’opportunité de faire usage du traçage géolocalisé des individus pour lutter contre le surgissement des nouveaux virus, il importe, plutôt, d’appréhender les données à partir de la diversité de leurs sources : il s’agit, là, non seulement des comptages statistiques, mais également des productions documentaires en tout genre (rapports, livres, articles, films, etc.), tout autant que des expériences vécues – à ce jour insuffisamment considérées.
De ce point de vue, penser les relations du monde d’après consiste dès lors, pour partie, à construire les conditions politiques du dialogue entre ces différentes sources de données, ce qui suppose qu’elles soient non seulement publiques, mais aussi que les cadres dans lesquelles elles peuvent s’articuler soient instaurés. Il est en effet frappant de constater aujourd’hui – comme l’a fait Altercarto à travers une série de cartes – à quel point il est difficile de susciter des politiques ciblées d’ampleur en direction des quartiers populaires face au Covid-19, alors même que les données sur la surexposition de leurs habitants aux facteurs de risque sont connues des autorités sanitaires.
Face à ce défi du monde d’après, et bien qu’elles ne soient pas les seules concernées, les collectivités territoriales peuvent beaucoup. En ouvrant, d’abord, leurs propres données, correspondant à l’exercice des missions que les citoyens leur octroient. Mais aussi en organisant des cadres contributifs d’exploration de ces données qui impliquent, à la fois, les autres institutions dépositaires de nos droits (services de l’État, autorités sanitaires, organismes de Sécurité sociale, structures parapubliques, mutuelles, etc.) et les citoyen·ne·s concernés, en vue d’orienter l’action commune.
De ces articulations nouvelles, fondées sur les données ouvertes porteuses de droits, dépendront ainsi nos capacités à relever collectivement les défis du monde d’après.
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