Si elle a rassuré les juristes et services de l’urbanisme, l’ordonnance n°2020-‐306 du 25 mars 2020«relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période» met le secteur du bâtiment en émoi. Cette ordonnance permet en effet de neutraliser les délais d’instruction des demandes d’autorisation d’urbanisme déposées avant le 12 mars 2020 et ce jusqu’à l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire.
Pour le secteur du bâtiment, cela risque d’avoir des incidences très importantes, mettent en garde les professionnels. Neuf organisations professionnelles (les constructeurs-aménageurs de la Fédération française du bâtiment, Fédération Cinov, Synamome, Unsfa, Union nationale des aménageurs, Union nationale des géomètres-experts, Fédération des promoteurs immobiliers, Union sociale pour l’habitat, Untec) alertent en effet dans un communiqué du 30 mars: « L’instruction de tout nouveau permis de construire, permis d’aménager, déclaration préalable de lotissement, peut être reportée d’un mois après la sortie de crise, soit pour conséquence, si l’état d’urgence sanitaire dure deux mois, un décalage de l’instruction de 3 mois. A ce délai de 3 mois, il faut ajouter un délai de recours supplémentaire de 2 mois pour tous les permis non purgés au 12 mars, qui résulte également de l’ordonnance. »
Les chantiers bloqués jusqu’à la fin de l’année ?
En résumé, selon eux, aucun permis de construire ou d’aménager ne pourra être délivré avant le 25 juin 2020, et ces permis ne seront purgés de recours qu’au 25 octobre 2020, ce qui constituerait un coup d’arrêt pour la filière bâtiment d’au moins six mois.
Pour Grégory Monod, président de la LCA-FFB, « ces dispositions sidérantes vont asphyxier encore davantage notre secteur. Il faut que l’Etat revienne de manière urgente sur ces textes, notamment sur la question des recours, et qu’il trouve des solutions en matière d’organisation des services pour permettre la poursuite des instructions des autorisations d’urbanisme ».
Les neuf organisations professionnelles font donc une série de propositions aux pouvoirs publics pour remettre en marche la machine de l’instruction des autorisations d’urbanisme.
Remettre les services au travail
Elle réclament tout d’abord la modification de l’ordonnance – par exemple en supprimant le mois ajouté à la fin de la période d’urgence sanitaire ou en réduisant les délais de recours des tiers. Elles réclament « une continuité minimale de l’étude et de la délivrance des autorisations d’urbanisme dans les collectivités territoriales durant la période de confinement, en privilégiant la dématérialisation du dépôt des dossiers; corrélativement, l’accélération de la dématérialisation des autorisations d’urbanisme prévue pour 2022 dans les communes de moins de 3500 habitants. Enfin elles demandent le renforcement des équipes d’instruction dès la fin de la crise sanitaire pour éviter le rallongement des délais d’études et les demandes de pièces complémentaires.
Il est vrai que la dématérialisation du dépôt et de l’instruction des autorisations d’urbanisme est encore loin d’être la règle dans les collectivités, alors que des expérimentations de nouveaux outils sont en cours, menées par les services du ministère de la cohésion des territoires, en coopération avec des collectivités territoriales volontaires. Difficile sans ces procédures dématérialisées d’assurer la continuité du service de l’instruction…
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