Par un jugement du 2 mai 2018 (TA d’Amiens, 2 mai 2018, req. n° 1601350), le tribunal administratif d’Amiens a annulé l’arrêté du 19 octobre 2015 de la préfète de région portant approbation du PPR. Ce « PPR des falaises picardes » a la particularité, notamment, de ne définir qu’une seule zone inconstructible projetée sur cent ans. Mais en février (CAA de Douai, 11 février 2020, req. nos 18DA01379 et 18DA02244), la CAA de Douai a annulé ce jugement. Ce PPR était nécessaire car le littoral de la commune d’Ault, couverte par ce plan, et dont elle demande l’annulation, est très urbanisé et marqué par un phénomène d’érosion des falaises : le trait de côte recule.
Des à-coups irréguliers
La carte des aléas de ce plan distingue, en fonction de la vitesse du recul du trait de côte, trois secteurs à risques, avec des temporalités différentes : entre zéro et dix ans, entre dix et trente ans, enfin, entre trente et cent ans.
Les secteurs déterminés auraient dû se voir appliquer des restrictions différentes. Pourtant, le plan n’a retenu qu’une seule zone inconstructible comprenant les trois secteurs, à l’horizon de cent ans. Si les auteurs du plan ont fait ce choix stratégique, c’est parce que son élaboration s’est inscrite dans un contexte local spécifique. Ce risque est caractérisé par des à-coups irréguliers, qui ont amené le bureau de recherches géologiques et minières à indiquer dans un rapport que l’estimation des moyennes des reculs ne permet plus d’appréhender correctement les risques liés à ce retrait.
Le recul du trait de côte, loin d’être régulier et prévisible, a connu des phases d’accélération mais aussi de ralentissement. Le premier juge avait avancé que retenir cette projection sur cent ans pour définir une seule zone d’inconstructibilité avait pour conséquence d’y inclure des secteurs éloignés de la côte et peu susceptibles d’être affectés avant une soixantaine d’années. Cette zone a en outre été dessinée en se basant sur des extrapolations incertaines. Pour le juge, ce « PPR des falaises picardes » était donc entaché d’erreur manifeste d’appréciation.
Une extrapolation… dépassée
Seulement le juge de la CAA a infirmé cette annulation. Il a rappelé que le précédent PPR comprenait, lui aussi, une estimation à horizon de cent ans. Mais celle-ci s’est réalisée, voire a été dépassée, par endroits… au bout de dix ans seulement. Il n’est donc pas exclu que, encore une fois, le risque d’érosion ne vienne surprendre les prévisions.
Le juge en conclut que les secteurs pour lesquels il a été estimé, par extrapolation, que ce risque se réalisera à une échéance comprise entre trente et cent ans doivent être compris aussi dans la zone d’inconstructibilité. Ainsi, ce n’était pas le résultat d’une appréciation manifestement exagérée du risque d’éboulement de la falaise.
L’intensité de ce risque, irréversible et inéluctable, justifie une telle projection si l’on considère les enjeux de sécurité qu’elle implique pour les habitants et les biens, malgré les mécontentements.
Domaines juridiques