La numérisation progresse dans tous les domaines de l’action publique, elle est constitutive du processus de transformation des services et infrastructures urbaines induit par les stratégies de ville intelligente. Cette évolution n’est pas sans incidence sur les pratiques des citoyens quand on sait que 13 millions de Français demeurent en difficulté avec le numérique (Crédoc, 2019). L’illectronisme, soit la difficulté à utiliser les outils numériques, touche des publics très hétérogènes : des personnes âgées éloignées des outils, des personnes analphabètes qui n’ont pas accès aux interfaces digitales conçues sous forme écrite et des utilisateurs réguliers de réseaux sociaux qui rencontrent des difficultés pour utiliser des logiciels ou remplir des formulaires administratifs en ligne.
La numérisation, une nouvelle forme d’exclusion
Il s’agit là d’une injustice majeure qui doit être traitée sous peine de rendre inopérantes les stratégies de ville intelligente mises en œuvre dans toutes les métropoles françaises. La ville intelligente se donne comme objectif d’améliorer le confort et de faciliter les pratiques quotidiennes des habitants, au travers de la numérisation des services et des infrastructures urbaines. Mais cette même dématérialisation empêche la frange de la population qui se trouve en situation d’illectronisme d’accéder aux démarches administratives en ligne et à certains services publics. De ce fait, le risque de non-recours à des prestations ou la perte de droits augmente, la numérisation crée une nouvelle forme d’exclusion et vient amplifier des difficultés préexistantes.
Aujourd’hui, les travailleurs sociaux sont souvent le seul soutien des personnes en situation d’illectronisme pour les aider à effectuer leurs démarches en ligne. Déjà soumis à nombre de contraintes, ils ne sont que rarement sensibilisés à la médiation numérique. Ils doivent être mieux formés ou se voir allégés d’une partie du travail de médiation numérique par d’autres acteurs spécialisés. C’est à cette condition que pourra être évitée une marginalisation dans une société en numérisation.
Montée en compétences et autonomisation de chacun
La médiation numérique permet la montée en compétences et l’autonomisation de chacun, ouvrant la porte à des services et nouveaux usages. Des services aussi simples que la consultation des horaires de train, l’accès à des moyens de communication, qui permettent une vie sociale et citoyenne, doivent rester accessibles à chacun. La médiation numérique est un enjeu local qui détermine les conditions d’inclusion à l’écosystème de services urbains de la ville intelligente. Certains quartiers sont plus fragilisés que d’autres et l’action de médiation numérique est d’abord physique, locale et au contact direct des publics.
En ce sens, s’engager dans une politique locale de médiation numérique, c’est organiser, animer et soutenir un écosystème de structures qui répondent aux besoins des populations locales. Pour autant, cette politique n’a pas à être financée et mise en œuvre par le seul acteur public. Les entreprises profitent de la montée en compétence numérique des Français, leur implication dans des politiques nationales et locales de médiation numérique est donc essentielle, et certaines d’entre elles le font déjà.
L’Etat a renforcé son engagement par le biais de la Mission société numérique. En témoignent les hubs régionaux, comme Hinaura pour la région Auvergne – Rhône-Alpes, ou l’appel à manifestation d’intérêt « Fabriques numériques de territoire », lancé en 2019.
Espérons que les élections municipales seront l’occasion d’une nouvelle ambition pour les politiques de médiation numérique des collectivités.
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