Le rapport « Thiriez » (sur la réforme de la haute fonction publique, ndlr) aiguise les réactions des parties prenantes selon ce qu’elles ont à perdre ou à gagner dans sa mise en œuvre. Il y a débat, tant mieux !
Concernant une éventuelle fusion des cadres d’emplois, je ne partage pas l’opinion de Clothilde Fretin-Brunet (vice-présidente de l’Association des administrateurs territoriaux de France, ndlr), qui indique que « former de la même façon des administrateurs territoriaux et des ingénieurs en chef n’a pas de sens. Ce sont des filières bien différentes, certes, regroupées au sein de l’Inet, mais qui ne mènent pas aux mêmes métiers ».
C’est exactement l’inverse qu’il faut faire. Ce qui distingue aujourd’hui ces deux filières, c’est essentiellement la formation initiale d’origine et l’autorisation de pouvoir passer tel ou tel concours. Pas forcément les fonctions que les un.e.s et les autres exerceront au cours des années.
Capacité à écouter et à manager
A Strasbourg, l’administration commune ville-métropole a été historiquement marquée par l’absence d’une direction générale des services techniques, et c’est au final plutôt une bonne chose.
Qu’il y ait des spécificités à la filière technique, bien entendu ! Comme il y en a dans chaque filière, administrative, culturelle ou médicosociale. Mais ce n’est pas une raison pour tenter de cultiver des logiques de corps et opposer les formations des administrateurs et des ingénieurs en chef qui ont plus de choses à s’apporter que de différences à exprimer (formations que l’on a mis près de trente ans à faire se rapprocher depuis le premier concours des ingénieurs en chef en 1992 !).
Ce qui compte aujourd’hui pour un.e cadre « de haut niveau » n’est plus seulement une formation universitaire, un diplôme, un concours voire un grade, mais la capacité à écouter et à manager, à douter, à s’adapter en permanence et à convaincre, à mesurer les risques (et à en prendre), qu’il ou elle pilote une entité orientée plutôt technique, culturelle ou administrative.
Car ces capacités seront utiles pour conduire à un même métier : celui de dirigeant territorial.
Passerelles entre l’ENA et l’Inet
On peut même se demander s’il y a encore des différences fondamentales entre ces métiers de cadres dirigeants de la fonction publique territoriale et de l’Etat, d’où l’utilité de passerelles entre l’ENA et l’Inet, écoles que l’histoire a installées à Strasbourg et qui doivent profiter de cette proximité territoriale.
Le futur est instable, changeant, et on aura toujours besoin de former des cadres appelés un jour à exercer des fonctions de pilotage et d’encadrement dans la fonction publique. De même, chacun s’accordera à dire qu’il faut encourager les mobilités entre filières et même entre fonctions publiques, et que certains métiers ne s’adressent plus forcément à des cadres formatés ou prédisposés à ces postes par une formation en vase clos. Il nous faut maintenant dépasser ces logiques de corps et de cadres d’emplois, et mieux travailler ensemble. Des formations communes pourraient nous y aider.