Aux yeux des Français, qui y sont pourtant attachés et en sont globalement satisfaits, les services publics risquent de l’être de moins en moins. Selon une enquête exclusive d’Infopro Digital études pour « La Gazette » et Webhelp, 61 % d’entre eux estiment que les services publics vont diminuer dans les années à venir. Parallèlement, la moitié des Français interrogés (52 %) pense que leurs prix vont augmenter.
Un effet ciseaux pas forcément funeste si l’on en croit non seulement l’ensemble des sondés, mais aussi les agents et élus interrogés sur l’évolution de leur charge. Car si tous veulent que les pouvoirs publics locaux restent pilotes de ces services – seuls 10 % des répondants ou moins souhaitent une privatisation totale des quatorze principaux services publics locaux proposés dans notre enquête –, ils ne sont pas opposés à l’introduction de la gestion privée dans certains domaines.
Toutefois, les sondés n’imaginent pas majoritairement des services d’administration générale, de sécurité ou scolaires gérés par le secteur privé. Ainsi, les Français reconnaissent l’importance des collectivités dans la gestion des missions locales des services publics, même si 60 % d’entre eux ne sont pas prêts à payer plus pour les maintenir. 22 % sont même disposés à voir leurs impôts augmenter pour accroître le nombre de prestations et 23 % pour améliorer leur qualité. Seuls 18 % préfèreraient payer moins pour en avoir moins.
Une ouverture inéluctable
Toujours friands de services donc, mais plus forcément totalement publics. L’ouverture au privé est jugée inéluctable par 63 % des sondés : 37 % pensent que le public les sous-traitera au secteur privé, tandis que 26 % estiment qu’ils seront directement « privatisés ». A noter que 8 % anticipent une gestion citoyenne des habitants.
L’externalisation des services n’est plus un mot qui fait peur aux administrés : près de la moitié des sondés (43 %) se déclarent favorables à la sous-traitance des services administratifs comme l’accueil, le traitement des dossiers ou la comptabilité. Sans surprise c’est 20 points de plus que chez les élus et les agents de catégorie A (23 %) qui préfèreraient voir déléguées plutôt des fonctions comme l’informatique (65 %).
Pour les élus, les agents et les usagers, la sous-traitance aurait même quelques vertus. Elle permettrait, selon eux, d’améliorer les principaux points d’insatisfaction relevés dans ce sondage : la réactivité, la capacité d’innovation oula disponibilité des services.
En revanche, dans ce mode gestion, les agents et élus sont sceptiques sur l’écoute des usagers (24 %), l’égalité de traitement (24 %) et, surtout, sur le coût pour l’usager : seuls 22 % pensent que la sous-traitance a des effets positifs sur ce critère.
Les professionnels et les élus ont donc bien conscience que la sous-traitance est synonyme de hausse des coûts pour le bénéficiaire. Mais qu’en est-il pour les collectivités ? La démarche d’externalisation, pour 53 % des élus et agents, est destinée, au contraire, à réduire leurs coûts, par exemple sur la masse salariale, loin devant la volonté de développer de nouveaux services et accompagner de nouveaux usages (27 %), encore moins pour améliorer la qualité des services publics (17 %).
Digitalisation : l’alternative
Si agents, élus et usagers s’accordent sur le fait que le caractère public des services peut être soumis à examen – notamment en raison de la raréfaction des moyens publics pour les assurer –, la pression financière transférée du contribuable à l’usager ne se traduit pas forcément par de meilleures performances de la part de l’opérateur privé. La satisfaction des collectivités envers la sous-traitance des services publics « n’est pas très élevée » révèle l’étude (54 % de satisfaits contre 27 % d’insatisfaits). En revanche, ce taux augmente quasiment de 50 % quand le choix de la sous-traitance va au-delà du critère financier de réduction de la masse salariale pour améliorer la qualité de service : 74 % de satisfaits contre 15 % d’insatisfaits.
De fait, une bonne sous-traitance doit s’appréhender dans un cadre de prestations précis avec des objectifs qui dépassent la seule rentabilité, assortie d’un contrôle de qualité, un suivi des prestations, « un cahier des charges clair, des réunions régulières, une relation de confiance à mettre en place pour le bien de l’usager », confie un agent d’une commune d’Ile-de-France.
Pour un autre, d’une commune en Nouvelle-Aquitaine, le champ de la sous-traitance doit être très strict : « A partir du moment où l’on bascule un service public vers la sphère marchande, on le détourne de son objectif stratégique : la satisfaction des besoins de tous. Ainsi, la seule relation envisageable peut et doit être sur des fonctions et outils support, et jamais sur des prestations apportées aux individus. » Les avocats des contrats à impact social apprécieront…
Une alternative existe à l’externalisation : la digitalisation, qui peut être menée sous gestion publique et privée. Les agents y sont, au moins aux trois quarts, favorables, les usagers relativement plus méfiants (63 % de favorables), tandis que les élus sont les plus réticents.
Crainte d’une moindre qualité
Tous s’accordent, toutefois, pour reconnaître certaines qualités à la digitalisation des services : une meilleure disponibilité, une plus grande capacité d’innovation, un moindre coût pour l’usager, mais pas forcément pour la collectivité. Cependant, que ce soit pour la sous-traitance ou la digitalisation, la crainte d’une moins bonne écoute ou d’une qualité de service en baisse reste sous-jacente.
L’objectif devenu incontournable de rentabilité semble lui aussi avoir un prix.
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Gazette des Communes, Club Finances
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Demain, qui paiera les services publics locaux ?
Sommaire du dossier
- Demain, qui paiera les services publics locaux ? (1/4)
- Les services publics locaux : à l’avenir, tous sous-traités ? (2/4)
- Les services publics locaux : d’autres solutions économiques sont à inventer (3/4)
- Les services publics locaux : Trois modèles urbains de gouvernance et de financement (4/4)
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