D’un côté, il y a ceux qui en appellent à la crise climatique et à un plan massif de rénovation. De l’autre, les amateurs d’art et d’histoire, effrayés par des solutions techniques qui conduisent parfois à gommer les spécificités architecturales d’un territoire ou d’une époque. Les propriétaires de bâtiments à caractère patrimonial sont sur le fil du rasoir, et les moins courageux hésitent à faire le moindre pas… Même quand ils ont conscience que cela les condamne à payer des factures énergétiques toujours plus lourdes et, parfois, à accepter des dégradations qui ne satisfont personne. « A Lyon, j’ai vu un bailleur social abandonner un projet faute de compromis avec l’ABF. L’objectif était pourtant de redonner du confort thermique à des familles en situation de précarité », illustre Olivier Sidler, spécialiste des BBC et porte-parole de l’association Négawatt. On aimerait écrire que la situation est exceptionnelle. Ce serait trop optimiste.
Sur le papier, tout le monde suit pourtant le même objectif. « Restaurer, c’est d’abord assainir », souligne Ophélie Lepeytre, conseillère en architecture et maîtrise de l’énergie au CAUE de la Gironde. Isoler une construction est aussi l’occasion de revenir sur des modes de restauration qui ont parfois fait plus de mal que de bien. Ainsi, dans les bâtiments anciens où des murs dits « perspirants » évacuaient traditionnellement l’humidité, on a eu trop tendance par le passé à ajouter des couches d’isolants imperméables qui ont créé des étuves ayant mal vieilli. « Aujourd’hui, on en revient à des techniques et des matériaux traditionnels plus adaptés », se félicite-t-elle, citant l’exemple des échoppes bordelaises surélevées pour être ventilées. Au fil du temps, elles ont été crépies en dépit du bon sens et un rétropédalage s’impose naturellement. Au-delà de leurs propres bâtiments, les collectivités ont sur ce point un rôle à jouer pour contribuer à la formation des artisans locaux à ces spécificités. Et à la diffusion de bonnes pratiques auprès des habitants.
La chaux plutôt que le ciment
Attention, prévient Olivier Sidler, peu convaincu par la vague de nostalgie qui sévit dans le secteur de la rénovation. Cet argument sert aussi parfois de prétexte à certains acteurs du patrimoine qui refusent de se frotter aux problématiques modernes. « On entend souvent que les anciens travaillaient très bien, mais il y a beaucoup de fantasmes et les murs n’étaient pas toujours meilleurs hier qu’aujourd’hui, estime-t-il. Pour les rénover, bien sûr qu’on doit valoriser leur inertie et travailler avec de la chaux plutôt qu’avec du ciment, mais la question des migrations de vapeur est essentielle. Ne laissons pas croire, par exemple, qu’on va s’en sortir avec la ventilation naturelle. » Ne vaut-il pas mieux, parfois, trahir quelques règles originelles pour redonner aux bâtiments patrimoniaux leurs couleurs d’antan ?
Prendre en compte des critères de confort thermique ou de dépense énergétique qui auparavant n’avaient pas la même importance est loin d’être impossible, si l’on en croit l’expérience de Bucey-lès-Gy (600 hab., Haute-Saône). En 2017, la commune a choisi de réhabiliter son presbytère inutilisé depuis trente ans pour y installer la mairie, la bibliothèque et plusieurs salles, dont une de coworking.
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Gazette des Communes