Sujet récurrent, le ras-le-bol fiscal a tenté de refaire parler de lui à l’occasion des élections municipales du 15 et 22 mars 2020. Mais pour une fois la petite musique du « trop d’impôt tue l’impôt » n’a pas prise.
Tout avait bien commencé avec la publication le 19 novembre 2019, d’un sondage OpinionWay Square Management pour Les Échos et Radio Classique sur la perception des Français de la gestion financière de leur commune et du niveau de leurs impôts locaux. Un chiffre choc est immédiatement repris en boucle par certains médias généralistes comme Les Echos ou Le Figaro : « 49% des Français habitant la même municipalité qu’il y a 4 ans ont le sentiment de payer davantage d’impôts locaux ».
Il n’en fallait pas plus pour lancer l’idée que « le ras-le-bol fiscal » s’installerait comme le grand enjeu des élections municipales à venir. Et cette fois-ci en plus avec les impôts locaux en ligne de mire. Pourtant, il n’en est, pour le moment, rien.
Le « ras-le-bol fiscal » ne date pas d’hier
Ce terme « ras-le-bol fiscal » est né le mardi 20 août 2013, au micro de France Inter, lorsque l’ancien ministre des Finances, Pierre Moscovici, s’est dit très sensible au « ras-le-bol fiscal » ressenti par ses concitoyens. L’expression cristallisait une vraie colère des contribuables contre la politique fiscale de l’ex président François Hollande. Les Français estimaient avoir déjà fait suffisamment d’efforts pour ne pas consentir à de nouvelles augmentations d’impôts après un an de hausse de prélèvements pour redresser les comptes publics. Ils attendaient que l’Etat et les Français les plus aisés montrent l’exemple et soient mis davantage à contribution.
En parallèle d’un niveau trop élevé d’impôts, les contribuables ont ressenti un déséquilibre entre leurs contributions à la collectivité et les retours en matière de politiques et d’équipements publics. Dans une enquête Ipsos publiée en 2013, les trois quarts des personnes interrogées étaient convaincues de donner plus à la collectivité que ce qu’elles recevaient en retour. Une colère qui explosera aux yeux de tous lors du mouvement des Gilets Jaunes à partir de novembre 2018.
Plus qu’un ras-le-bol fiscal, une injustice fiscale
Pour le politologue Martial Foucault, plus qu’un ras-le-bol, c’est ce second aspect d’injustice fiscale qui est au cœur des préoccupations des Français.
« Je fais partie des quelques personnes qui ont été très surprises du bilan du Grand Débat tiré notamment par Edouard Philippe le 8 avril 2019 au Grand Palais en révélant que le premier sujet qui ressortait des consultations était « l’exaspération fiscale ». Au CEVIPOF, on a observé plus de 250 débats du Grand Débat. Cette question n’est jamais apparue. Je dirais même le contraire. Le consentement à l’impôt me parait être partagé par une majorité de Français. Sur le plan fiscal, ce qui est ressorti ce n’est pas le ras-le-bol mais l’injustice fiscale. Les citoyens sont prêts à consentir davantage d’impôts pour des services publics locaux de proximité en plus grand nombre et de meilleure qualité. Ils préfèrent ce choix que moins d’impôts pour moins de services », observe le directeur du CEVIPOF à retrouver très bientôt en interview sur le Club Finances.
Une analyse confirmée par un chiffre du fameux sondage OpinionWay Square Management de novembre 2019 : plus d’un Français sur deux (51%) s’estime satisfait du niveau des impôts locaux dans sa commune.
Une sagesse fiscale sur le mandat
L’une des explications de cette satisfaction pourrait venir de la suppression de la taxe d’habitation et de la plus faible hausse des impôts locaux sur ce mandat que sur le mandat précédent. Selon l’analyse financière des communes et des intercommunalités de la Caisse des dépôts et de l’Association des Maires de France (AMF) dévoilée lors du Congrès des maires, la dynamique de la fiscalité ménage (taxe d’habitation, taxe foncière bâti, taxe foncière non bâti) est trois fois inférieure sur ce mandat par rapport au précédent, passant d’environ à +30 % hors effets du transfert de la part départementale de TH (5,7 milliards d’euros) à +11,8 %.
Dans le détail, d’après la cinquième édition de l’étude « Regard financier sur les petites villes », réalisée par La Banque Postale et portant sur les 4 059 communes comptant de 2 500 à 25 000 habitants, seules 17% des petites villes ont augmenté en 2018 leur taux de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) et la même proportion la taxe d’habitation (TH) alors que 53% voient leur dotation globale de fonctionnement (DGF) diminuer cette même année. 6% des villes de 2500 à 25 000 habitants ont même baissé leur taux de TFPB et 5% leur taux de TH. De plus, Luc-Alain Vervisch, directeur des études de la Banque Postale avait précisé lors de la présentation de l’étude que « beaucoup de hausse de taux s’expliquait par des raisons conjoncturelles : l’harmonisation des taux au sein de certains EPCI ou la baisse pendant quatre ans de la DGF ».
Plutôt que le ras-le-bol fiscal, c’est la sécurité et l’écologie qui s’imposent comme les préoccupations numéro 1 des électeurs pour ces municipales de 2020. Dans un sondage Odoxa-CGI pour France Info, France Bleu et la presse régionale paru en décembre, la sécurité a été sélectionnée par 47 % des sondés contre 35% pour l’environnement et la lutte contre la pollution (trois réponses possibles sur 11 thèmes).
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