Encore un documentaire à charge sur l’aide sociale à l’enfance. Le reportage diffusé par M6 le 19 janvier a été tourné en partie en caméra cachée par des journalistes infiltrés dans des foyers de l’Aide sociale à l’enfance (ASE). Que montre-t-il ? Des jeunes « livrés à eux-mêmes », des conditions d’hygiène indignes, des scènes de violence et négligences quotidiennes, et des personnels éducatifs « qui ont baissé les bras ». Les journalistes de M6 s’y sont faites embaucher sans diplôme.
Durant 1 an, les équipes de Zone Interdite ont pénétré dans l’univers opaque de l’Aide Sociale à l’Enfance. Une enquête qui dévoile une réalité stupéfiante…
« Mineurs en danger : enquête sur les scandaleuses défaillances de l’aide sociale à l’enfance » 📺@M6 📅Dimanche ⏰21h05 pic.twitter.com/19gBvfvuTD
— Zone Interdite (@ZoneInterdite) 15 janvier 2020
Dans un foyer de Côte d’Or, des filles de 12 ans fuguent et se prostituent sans déclencher de signalement au conseil départemental ni à la justice. Dans le Vaucluse, ce système de prostitution serait même « organisé », sans réaction du conseil départemental. Les personnels éducatifs, en sous-effectifs et pas toujours qualifiés, sont désarmés face aux troubles du comportement d’enfants relevant d’une prise en charge psychiatrique. Dans un foyer de la Somme, un enfant « prédateur sexuel » aurait sévi pendant des années, alors que ses agissements étaient connus. Le seul « bon élève » du reportage est un foyer du Bas-Rhin, filmé à visage découvert, qui met en place du soin et de la médiation animale, mais est néanmoins obligé de faire du « sur-booking » pour boucler son budget, faute de financements suffisant.
La Seine-Saint-Denis pas concernée
Mise en cause dans le documentaire, la Seine-Saint-Denis récuse les accusations et affirme qu’aucune structure ASE du 93 n’est concernée par le reportage.
Pas d’omerta
Au lendemain de la diffusion, les départements incriminés ont répondu. Le président de Côte d’Or, François Sauvadet, interviewé dans le reportage, admet dans un communiqué que « les règles de signalement d’incidents graves n’ont pas été respectées », mais explique avoir, suite à l’interview, engagé plusieurs missions d’inspection dans ce foyer, rappelé à l’ordre les dirigeants de l’association gestionnaire et demandé des sanctions. Il a par ailleurs demandé « une enquête sur les faits présumés de prostitution et présence de stupéfiants » et porté plainte. Dans la Somme, le CD et la Préfecture expliquent que la MECS de Valloires, mise en cause dans le reportage, a fait l’objet en juin 2019 d’une « inspection » et d’une « mise sous administration provisoire ». Et qu’une instruction judiciaire est en cours concernant le cas de l’enfant mentionné.
L’ADF se dit « fortement choquée » par ces témoignages, mais « récuse les méthodes de M6, la prétendue omerta des départements, et la mise en cause très violente des personnels éducatifs ». Elle rappelle que les départements sont « seuls pour prendre en charge les mineurs placés », dont le nombre ne cesse d’augmenter, entraînant « une saturation des structures ». L’association d’élus demande « un contrat tripartite entre l’Etat, les départements et le secteur associatif ». Par ailleurs, afin de mieux prendre en charge les enfants souffrant de troubles psychiques, « soit un quart des enfants placés », l’ADF réclame « la mise en place d’un programme d’Etat pour la pédopsychiatrie ».
Des contrôles effectués par l’Etat ?
Du côté du secrétariat d’Etat en charge de la protection de l’enfance, aussi, le documentaire a fait réagir. Le secrétaire d’Etat Adrien Taquet s’est entretenu avec le président d’ADF et les six présidents concernés pour faire « toute la lumière » sur les faits mentionnés : « Les présidents de CD seront sollicités dans les prochains jours pour faire part des contrôles réalisés dans leurs établissements », précise-t-il dans le communiqué. Les CD devront transmettre aux Préfets leur plan départemental annuel de contrôle des établissements. « En cas de défaillance, l’Etat élaborera ses propres contrôles, complémentaires, qui seront menés par les Préfets et l’inspection générale des affaires sociales », a précisé Adrien Taquet dans une interview à la Croix.
La revendication d’un « plan de contrôle annuel », dont « l’Etat serait le garant », est partagée par le Gepso, qui représente les établissements publics sociaux et médicosociaux.
Fixation d’un taux d’encadrement
Adrien Taquet vérifiera en outre « que chaque conseil départemental dispose bien d’une procédure de signalement » au Préfet de tout événement grave survenu dans un établissement. Par ailleurs, il souhaite fixer un taux d’encadrement dans ces lieux d’accueil, et ajouter cette norme à la stratégie Protection de l’enfance. Concernant la faiblesse des réponses psychiatriques, il indique que « 20 millions d’euros seront consacrés en 2020 aux prises en charge médicosociales des enfants de l’ASE ».
Annonces insuffisantes selon Lyes Louffok, ancien enfant placé et auteur du livre « Dans l’enfer des foyers », qui demande « la création d’une agence nationale indépendante de contrôle, et d’un fichier de recensement des agréments des familles d’accueil ». Un communiqué signé par six organisations de protection de l’enfance(1) plaide pour « une politique publique ambitieuse en faveur de l’enfance avec de réels moyens d’action ».
Thèmes abordés
Notes
Note 01 Apprentis d’Auteuil, CNAPE, GEPSo, Nexem, Uniopss, SOS Villages d’Enfants Retour au texte