Le sujet peut faire sourire. Pourtant, deux juristes néerlandais multiplient les arguments, dans un article paru dans le « Journal of Environmental Law » le 27 novembre, allant dans le sens d’une interdiction de laisser son chat sortir de chez soi.
Des chiffres, d’abord : « Partout dans le monde, les chats domestiques ont été impliqués dans l’extinction d’au moins deux espèces de reptiles, vingt et une espèces de mammifères et quarante espèces d’oiseaux. » Ensuite, et surtout, ils se réfèrent aux directives européennes « habitats » de 1992 et « oiseaux » de 2009 qui, rappelons-le, s’appliquent également en France.
Selon ces juristes, ces directives devraient logiquement conduire les Etats membres à s’emparer de la question du chat domestique. En tout cas, les deux auteurs l’ont dans le viseur. La directive « oiseaux », par exemple, précise qu’elle a vocation à protéger toutes les espèces d’oiseaux vivant naturellement à l’état sauvage sur le territoire européen, ainsi que les œufs, nids et habitats.
Oiseaux menacés
Plus important, les Etats membres doivent prendre « toutes les mesures nécessaires pour maintenir ou adapter la population de toutes ces espèces d’oiseaux à un niveau qui corresponde notamment aux exigences écologiques, scientifiques et culturelles, compte tenu des exigences économiques et récréationnelles ».
Ces dispositions constitueraient dès lors « une obligation potentiellement exigeante et de grande portée » qui obligerait des Etats membres à gérer les chats domestiques, puisque les informations scientifiques disponibles indiquent qu’ils constituent une menace pour les populations d’oiseaux.
A ce sujet, la Ligue de protection des oiseaux communique régulièrement sur les effets de la prédation des chats sur les volatiles. On sait aussi qu’en France, comme chez nos voisins européens, les populations d’oiseaux sont en très forte baisse. Evidemment, les chats ne sont pas les seuls responsables de ce déclin : pesticides, changement climatique et artificialisation des terres y ont aussi leur rôle.
Dans le sens du poil
Il est donc nécessaire d’agir, selon les juristes néérlandais. Mais, également conscients que l’intervention du législateur en la matière ne fera pas l’unanimité, notamment parmi les propriétaires de chats, ils placent la solution dans la pédagogie. Comme cela a été le cas pour l’interdiction de fumer dans les lieux publics, comparent-ils. Ils développent leur argumentation en vue d’une future législation, en brossant dans le sens du poil à la fois les pouvoirs publics et les particuliers.
Par exemple, ils font remarquer qu’il est relativement plus facile et moins coûteux de s’attaquer aux chats domestiques en liberté qu’à d’autres facteurs de perte de biodiversité (l’agriculture intensive, le dérèglement climatique…). Mieux encore : ils rappellent qu’empêcher son matou de sortir, c’est finalement aussi prendre soin de lui en le protégeant de tout risque extérieur.
Est-ce que ce sera assez pour mettre le sujet à l’ordre du jour du Parlement ? Pas sûr.
Références
- Directive 2009/147/CE du Parlement européen et du Conseil du 30 novembre 2009 concernant la conservation des oiseaux sauvages.
- Directive 92/43/CEE du Conseil, du 21 mai 1992, concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages.