Quelques jours après l’attaque de la préfecture de police de Paris le 3 octobre, le sénateur Bruno Retailleau, à la tête du groupe LR, avait annoncé son intention de réclamer l’ouverture d’une commission d’enquête sur le radicalisme islamisme. Dans leurs motifs, les sénateurs du groupe mettaient en avant « le caractère toujours très actuel de la menace terroriste islamiste » et insistaient sur la nécessité d’en revenir à la cause. Ils soulignaient aussi le défi posé par cette idéologie qui « cherche à étendre son influence en se propageant à des champs de plus en plus nombreux de la vie en société », avec « la multiplication des revendications communautaires et des manifestations d’affirmation identitaire ». La sénatrice Jacqueline Eustache (LR) a été nommée rapporteure.
Mardi 3 décembre, les travaux ont commencé avec les auditions de Youssef Chibeb, professeur associé à l’université Paris 13, directeur de recherche au Centre français de recherche sur le renseignement, et Pierre Vermeren, professeur d’histoire contemporaine à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Des acteurs locaux, dans les communes, les écoles, les associations et les fédérations sportives, ainsi que d’autres spécialistes et chercheurs devraient être interrogés sur le sujet pour établir un diagnostic sur la responsabilité des pouvoirs publics, à tous les échelons, pour prévenir et endiguer le phénomène, et déterminer les moyens d’agir.
De nombreux travaux déjà effectués sur le sujet
Ces dernières années, le parlement a déjà consacré plusieurs travaux à des sujets proches. Au Sénat, on note un rapport sur les filières djihadistes en France et en Europe rendu par le sénateur Jean-Pierre Sueur (Socialiste et républicain) en avril 2015, un rapport sur les collectivités territoriales et la prévention de la radicalisation présenté par les sénateurs Jean-Marie Bockel (UDI) et Luc Carvounas (Socialiste et apparenté) en avril 2017, ou encore un rapport des sénatrices Esther Benbassa (EELV) et Catherine Troendlé (Les Républicains) sur la « déradicalisation » en juillet 2017. A noter aussi le travail de Nathalie Goulet (Union centriste), présenté en juillet 2016, intitulé « de l’Islam en France à un Islam de France ».
Du côté de l’Assemblée nationale, les députés Eric Diard (LR) et Eric Poulliat (LREM) ont remis en juin dernier un rapport sur la radicalisation dans les services publics.
Tous arrivent peu ou prou aux mêmes conclusions : il faut améliorer la prévention et la formation des élus locaux et des agents à la détection. Alors que peut apporter un nouveau travail sur le sujet ?
Priorité à la prévention
Pour le sénateur Jean-Marie Bockel, membre de la commission d’enquête et président de la délégation aux collectivités territoriales, interviewé par la Gazette lundi 25 novembre, la question la plus intéressante et la plus importante est justement celle de la prévention. « L’essentiel de notre travail doit porter là-dessus car une fois que le processus de radicalisation est engagé, on sait qu’il sera difficile et aléatoire de revenir en arrière. Je pense donc qu’il faut prendre en compte tous les travaux déjà effectués sur le sujet et réactualiser le diagnostic. Il faut avoir le regard le plus lucide possible, ni dans le déni, ni dans l’exagération. »
A ce sujet, le sénateur rappelle que les conclusions de son rapport présenté en avril 2017 sont toujours d’actualité : l’implication des maires est primordiale. « Les maires sont à la fois plus à même de repérer les effets de ce phénomène, et de contribuer aux réponses des responsables publics dans leur ensemble. Mais ils sont aussi les mieux placés pour voir combien on est aujourd’hui loin du compte entre ce qu’ils voient et les réponses à apporter qui ne dépendent pas d’eux seuls. Ils se sentent démunis par rapport à quelque chose qu’ils perçoivent. »
Pour lui, il faudrait renforcer les actions au niveau local. « Du point de vue des territoires, le partenariat me parait essentiel. Sur ces questions, si l’on attend tout de l’Etat régalien (gouvernement, préfet, justice, police) il y aura toujours des trous dans la raquette. Si, par contre, on met en œuvre le maillage territorial et l’action des élus locaux, cela devient plus intéressant », poursuit Jean-Marie Bockel. Évoquant la réussite des contrats locaux de sécurité, le sénateur estime qu’il faut aller plus loin en y intégrant la notion de prévention de la radicalisation. Des questions qui seront d’ailleurs sans doute abordées au sein de la délégation aux collectivités territoriales qui a engagé un travail sur l’ancrage territorial des forces de sécurité intérieures.
Enfin, il convient aussi selon Jean-Marie Bockel de bien définir les objectifs de cette commission d’enquête : « il ne faut pas simplement prévenir les actions violentes mais aussi les effets pervers et préjudiciables d’un islamisme radical, même pacifiste, qui souhaite transformer la société en menaçant la laïcité et le vivre ensemble. » Sur ce point, rappelons que le ministre de l’Intérieur a appelé les préfets à la mobilisation. Par une circulaire signée le 28 novembre dernier, Christophe Castaner les enjoint à placer la lutte contre l’islamisme et le communautarisme au cœur de leur mission.
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