Une heure trente. C’est le temps du discours qu’a prononcé le Président de la République, mardi 19 novembre, lors de l’ouverture du Congrès des maires. “Un discours de politique générale”, selon Jean-Jacques Mirande, adjoint à la mairie du Passage d’Agen (Lot-et-Garonne, 10000 habitants), opposant l’intervention d’Emmanuel Macron aux discours “très pratiques” de François Baroin et d’André Laignel, respectivement président et vice-président de l’Association des maires de France. “Je suis déçu, il n’a pas répondu à nos inquiétudes”, résume-t-il.
Le manque d’éléments concrets est reproché par beaucoup d’élus au lendemain de cette allocution. Que ce soit sur la décentralisation, les dotations ou la reconnaissance exprimée par le chef d’Etat envers les élus locaux, Jean-Jacques Mirande et Brigitte Barailles, première adjointe de la même commune “attendent des actes”, comme la plupart des élus locaux.
La taxe d’habitation dans le viseur
Premier point de friction : la suppression de la taxe d’habitation, qui n’est clairement pas digérée. Premièrement parce que la compensation prévue par le gouvernement n’est pas encore arrivée dans les caisses des communes, suscitant des questionnements malgré sa budgétisation. Et deuxièmement parce que la mesure est perçue comme une baisse de l’autonomie accordée aux élus locaux. “On est d’accord avec la décentralisation, cela va dans le bon sens, mais dans les faits on recentralise les pouvoirs puisqu’on nous rend dépendants financièrement de l’Etat”, déplore M. Mirande. “Avant les habitants payaient des impôts locaux et demandaient des services en échange, ils étaient actifs. Sans les impôts locaux, ce n’est plus le cas”, alerte Brigitte Barailles.
L’argument est partagé par Daniel Bourguet, conseiller municipal d’opposition à Mauguio, dans l’Hérault, qui n’a pas été convaincu par le discours de mardi et différencie les effets d’annonce des actes concrets.
Défiance envers le Président
D’autres édiles sont moins critiques et notent une politique et des idées qui vont “dans le bon sens”. “Les objectifs sont bons, mais il faut du temps pour obtenir des résultats”, juge Aimé Navello, maire sans étiquette de Mazan, une commune du Vaucluse de 6500 habitants. Il reste néanmoins sceptique sur certaines méthodes pour atteindre les objectifs et aimerait que les élus locaux soient plus consultés dans l’élaboration des lois.
Le maire LR de Mâcon (Saône-et-Loire, 30000 habitants), Jean-Patrick Courtois, note un discours qui « apaise » et “clarifie des choses”, mais il reste des points d’interrogation. “Sur la décentralisation, on a besoin de savoir qui fait quoi, sur la fin de la taxe d’habitation, on a besoin de savoir comment cela sera compensé”. Lui aussi attend des actions concrètes et donne les élections municipales comme échéance.
Concernant la reconnaissance exprimée par le Président de la République, Marie-Claude Jarrot, maire de Montceau-les-Mines, est confiante sur la mise en place d’une collaboration entre élus locaux et gouvernement central. D’autres édiles doutent sérieusement de la sincérité des propos et, selon eux, pas même la loi Engagement et proximité (en cours d’examen à l’Assemblée nationale et mentionnée par Emmanuel Macron dans son discours), qui vise à mieux protéger et indemniser les maires ne permettra de regagner leur confiance. “Il y a quelques points positifs dans cette loi, comme l’assurance en cas de poursuites judiciaires, mais selon moi l’augmentation des indemnités ne sera ni applicable, ni appliquée”, estime Daniel Bourguet.
Le maire d’une commune de moins 3000 habitants dans les Alpes-Maritimes, qui ne souhaite pas être cité, est encore plus remonté contre le Président. “On ne peut pas balayer les doléances des maires comme il l’a fait. Nous, les petites communes, faisons face à beaucoup de problèmes, on manque de moyens et on nous ignore”, accuse l’édile en colère qui n’est plus sûr de se représenter à l’élection de 2020.
“Le problème c’est que si nous-mêmes, élus, nous sommes déçus, les Français et la rue le seront encore plus”, s’inquiète Jean-Jacques Mirande.
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