Emmanuel Macron est-il parvenu, lors de son allocution du 19 novembre au congrès des maires, à recoller les morceaux avec les élus locaux ?
L’enjeu n’est pas de recoller les morceaux, mais de cultiver une relation de proximité. Le Président de la République a pu mesurer, à l’occasion du grand débat, l’importance de son lien avec les élus locaux pour notre cohésion nationale.
Mais quelle est, au fond la philosophie du Président de la République à l’égard de ce qu’on appelle aujourd’hui « les territoires ? Est-il girondin ou jacobin ?
Emmanuel Macron est en même temps girondin et jacobin. Nous, Français, aimons bien les injonctions paradoxales… Les élus locaux sont d’ailleurs à l’image de la population. Emmanuel Macron a raison : nous voulons toujours plus de libertés locales, tout en attendant presque toujours tout de l’Etat. Mais chacun gagnerait à plus de clarté. Nous allons voir ce que le gouvernement va mettre sur la table… Sur le plan de la philosophie, j’attends une loi Macron des territoires, sur le modèle de la loi Macron de 2015 qui avait pour but de déverrouiller le système et de donner des champs nouveaux d’initiative. Je me méfie d’un législateur qui organiserait les choses de manière obligatoire. Je crois à une France à la carte. Il devrait y avoir des territoires, comme celui que je connais le moins mal, la Bretagne, où la région espère des compétences qu’elle n’a pas aujourd’hui et d’autres, comme le Cantal, où le département est moteur en raison de son éloignement dans cette grande région. Je suis favorable à une capacité d’auto organisation des territoires.
Est-il possible d’avancer vers la différenciation territoriale sans en passer par une révision constitutionnelle ?
Si on faisait à cadre constitutionnel constant tout ce qui est possible pour libérer les énergies locales et organiser l’Etat, on ferait de grands pas. Nous avons trop tendance à considérer que dès qu’il y a un problème, il faut faire une loi. Vu le nombre de lois, il ne devrait plus y avoir de problème… L’un des grands défauts de la loi NOTRe, que j’ai votée, je l’admets, c’est cela.
Comment expliquez-vous que le projet de loi « Engagement et proximité », qui se voulait à l’origine si consensuel pour assouplir la loi NOTRe, suscite autant de tirages du côté du Sénat ?
La vie parlementaire n’est pas un long fleuve tranquille. Tout le monde a envie d’exister un peu. A la veille du congrès des maires, il y a eu un clapotis médiatique… Je comprends que le Sénat se préoccupe de son corps électoral, les maires. Les enjeux territoriaux ne sont cependant pas son monopole. L’Assemblée nationale, dans notre Constitution, a toujours le dernier mot. Mais je suis prêt à prendre le pari qu’il y aura un accord sur ce texte.
Etes-vous prêt à bouger sur le transfert de la compétence eau et assainissement dont la Haute-Assemblée fait un casus belli ?
C’est un sujet récurrent qui est devenu obsessionnel et totémique. Le ministre Lecornu a proposé une solution très ingénieuse qui consiste à dire que les intercommunalités de communes, quoique détentrices de cette compétence, puissent envisager de la subdéléguer. Chez moi, à Motreff, la commune pourra garder sa régie où l’eau est deux fois moins chère qu’ailleurs dans la communauté de communes du Poher. De manière générale, l’intercommunalité n’a de sens que lorsqu’elle repose plus sur une logique de projet territorial que de guichet mutualisé. Je crois avant tout en la liberté et en la responsabilité démocratique.
Est-ce que cela passe par l’élection au suffrage universel direct sans fléchage des élus intercommunaux qui ont été dotés de larges prérogatives ?
J’ai longtemps pensé que c’était le mouvement naturel vers lequel il fallait aller. Je suis aujourd’hui plus réservé. Il faut faire attention que les maires n’aient pas le sentiment que, dans le cadre de ce mode de scrutin, ce serait la ville la plus peuplée qui l’emporterait. Pour l’élection au suffrage universel direct des intercommunalités, il est à la fois trop tard et trop tôt.
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