Engluée dans une révision constitutionnelle mal embarquée, la différenciation, ardemment défendue par le gouvernement et une bonne part des élus locaux, vient de recevoir un soutien appuyé du Conseil d’Etat. Dans une étude inédite, celui-ci analyse en profondeur les expérimentations conduites depuis la révision constitutionnelle de 2003.
Abandon ou généralisation
Tout le monde en convient, y compris le Conseil d’Etat, les lourdeurs et contraintes des dispositifs d’expérimentation prévus par l’article 72 de la Constitution ne peuvent que réfréner les ardeurs des élus locaux. Pour preuve, quatre expérimentations seulement ont été conduites sur ce fondement depuis 2003. En l’état, l’issue d’une telle démarche, qui ne peut être que généralisée partout, ou abandonnée pour tous, n’est pas viable.
Mais Jacqueline Gourault, ministre de la Cohésion des territoires, qui porte un projet de loi « 3D » (pour décentralisation, différenciation et déconcentration) annoncé pour le printemps 2020, peut se réjouir : selon le Conseil d’Etat, « à droit constitutionnel constant, il est possible d’échapper à l’alternative abandon-généralisation ».
Appétit féroce
Pour le gouvernement, c’est pain bénit. Il n’est plus coincé dans l’entonnoir d’une révision de la Constitution pour laquelle il ne possède pas de majorité, et peut offrir, au prix d’une simple évolution législative, et sans bourse délier, de véritables nouveaux moyens d’action aux élus imaginatifs.
Les collectivités montrent, elles, un appétit féroce pour une nouvelle étape de décentralisation et l’assouplissement des possibilités de différenciation (exit les demandes de pause réclamées depuis 2015, comprenne qui pourra). Les présidents de Territoires unis (François Baroin pour l’AMF, Dominique Bussereau pour l’ADF et Hervé Morin pour Régions de France.), rassemblés au congrès de Régions de France début octobre, ne manquent ni d’idées ni d’envies : rénovation énergétique, économie circulaire, service public de l’emploi, sport…
Tout à leurs désirs « libérateurs », rien n’arrête les collectivités ni l’exécutif qui ne s’attardent guère sur les risques d’une multiplication des projets de différenciation territoriale. Au risque de l’indigestion.
Références
- « Les expérimentations : comment innover dans la conduite des politiques publiques », Conseil d’Etat, 3 octobre 2019.
- Plus d’informations sur : www.lagazette.fr/641878
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