Sous l’angle du droit de l’environnement, l’expérience française en matière d’énergies marines renouvelables montre que tous les arguments n’ont pas la même portée. Ainsi, dans les contentieux traités par la Cour administrative d’appel de Nantes (juridiction référente), le fameux principe de précaution (pourtant constitutionnel depuis la Charte de l’environnement) n’a pas été en mesure de recaler les projets de parcs éoliens marins en cause. La preuve d’un risque de dommage « grave et irréversible » à l’environnement, techniquement, est en effet difficile à rapporter. Quant à la protection des espaces remarquables du littoral, elle a été jugée inapplicable à 12 km des côtes…
La législation gouvernant les sites Natura 2000, transposant les exigences des deux grandes directives européennes « Oiseaux » et « Habitats », soulève des questions plus délicates. Le projet d’Oléron est en effet localisé dans la vaste zone marine dite des pertuis charentais et du plateau de Rochebonne depuis déjà plus de dix ans (si l’on se réfère à l’arrêté interministériel du 30 octobre 2008). L’implantation d’une ferme éolienne pouvant comprendre jusqu’à 80 machines pose inévitablement question quant à la légalité du projet, même s’il faut se garder de tout raccourci hâtif.
Le dispositif juridique Natura 2000 est marqué par la souplesse, en ne proscrivant pas les activités humaines et en tenant compte des exigences socio-économiques et culturelles, comme le précise le code de l’environnement. La jurisprudence administrative reflète d’ailleurs assez bien cet esprit de conciliation : l’importante extension du port rochelais des Minimes, par exemple, n’a pas été censurée (1).
Mais il faut insister sur l’importance des évaluations environnementales -particulièrement de « l’évaluation d’incidences Natura 2000 »-, lesquelles devront mesurer les impacts du projet sur l’avifaune et l’environnement marin. Les éoliennes, au regard des enjeux écologiques de conservation du site et des caractéristiques techniques des installations (et de leur ancrage), sont-elles de nature à créer des dommages significatifs ? Le contentieux de ces évaluations est une donnée incontournable de l’artificialisation des espaces naturels. Il s’agira là d’un volet essentiel sur le plan du droit, sachant que la Cour de justice de l’Union européenne a précisé qu’en cas de doute, les autorisations doivent être refusées (2) !
Par ailleurs, le projet éolien d’Oléron est également situé dans le périmètre du parc naturel marin de l’estuaire de la Gironde et des pertuis Charentais, institué en 2015. On sait que les contraintes juridiques de cet outil récent et spécifique de préservation du patrimoine naturel sont fort limitées. Il ne faut toutefois pas négliger le poids de la procédure dite de l’avis conforme : « Lorsqu’une activité est susceptible d’altérer de façon notable le milieu marin d’un parc naturel marin, l’autorisation à laquelle elle est soumise ne peut être délivrée que sur avis conforme de l’Agence française pour la biodiversité ou, sur délégation, du conseil de gestion » (art. L. 334-5 du code de l’environnement).
On peut certes imaginer un avis négatif rédhibitoire, mais l’ambiguïté du discours juridique en la matière (reliée au souvenir sensible du parc des estuaires picards et de la mer d’Opale) met en lumière la complexité des relations entre les conseils de gestion des parcs et leur établissement public de tutelle, du moins sur des dossiers sensibles(3)…
Au final, le territoire maritime de la Nouvelle-Aquitaine pourrait constituer le théâtre d’une réflexion difficile mais attendue sur la compatibilité des éoliennes offshore avec le droit des sites Natura 2000 et des parcs marins.
Notes
Note 01 TA Poitiers, 11 avr. 2013, Assoc. Nature Environnement 17, n°1003058. Retour au texte
Note 02 CJUE, 15 déc. 2011, Commission c/ Espagne, aff. C-560/08. Retour au texte
Note 03 Voir N. Boillet, « L’avis conforme relatif aux parcs naturels marins et les projets d’énergies marines renouvelables », DMF, juin 2018, p. 565. Retour au texte