Il est un usage républicain et démocratique bien établi, chaque projet de loi de finances est une base à partir de laquelle se formalisent des débats plus ou moins vifs et constructifs pour infléchir et modifier un texte qui est censé refléter in fine un consensus sur les objectifs politiques et la gestion de la nation.
Et cette semaine, intercalée entre la publication du PLF et le début de son examen à l’Assemblée nationale, est le moment où chacun fourbit ses armes et mobilise ses troupes en vue de ces débats. Cette année, les associations d’élus, particulièrement rompues à cet exercice, vont avoir l’occasion de montrer leurs capacités à se faire entendre avec ce texte, tant il cache d’incertitudes, voire quelques chausse-trappes financières.
Grosse contrariété et petits désagréments
Difficile d’être exhaustif, mais on peut tout de même en relever quelques-unes.
Le lièvre a été levé par le CFL : le texte ne prévoit pas une revalorisation de bases de TH sur les résidences principales pour 2020. En considérant l’inflation prévisionnelle, les associations d’élus ont évalué le manque à gagner annuel à 250 millions d’euros. Pour les représentants communaux, tous unis contre cette disposition, c’est un casus belli.
Autre petite irritation, la compensation du versement transport instituée l’an dernier suite au relèvement du seuil de 9 à 11 salariés pour les entreprises a été amputée de 45 millions d’euros de son montant. Elle est désormais plafonnée à 48 M€. Pas encourageant pour le développement du transport collectif et pour la qualité de la parole donnée par le gouvernement sur les compensations « à l’euro près ». D’autant que la promesse de ne pas toucher à la Dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle (DCRTP) faite l’an dernier par l’exécutif ne passera peut-être pas l’hiver : la dotation est réduite de 45 M€ et fondra donc à 75 M€ en 2020. Les débats s’annoncent déjà chauds sur ces points.
Compensation « complète et honnête » pour les départements
Pour les départements, le combat consistera à obtenir une vraie compensation à l’euro près, « complète et honnête », insiste le président de l’Assemblée des départements de France (ADF) Dominique Bussereau. A la publication du texte, il manquerait 400 M€ selon les calculs faits par l’association. Selon celle-ci, la non-revalorisation des bases provoquerait un manque à gagner de 150 M€ par an, tandis que l’absence de dynamique des taux priverait les départements de 250 M€ annuellement.
« En intégrant ces montants, nous discutons actuellement avec Bercy pour obtenir non pas 14,5 milliards d’euros de compensation de perte de taxe foncière en fraction de TVA, mais 14,9 milliards », résume Pierre Monzani, directeur général de l’ADF. L’exécutif ne fait de son côté pas le même calcul et met en avant la dynamique de la TVA, non comprise dans le calcul de l’ADF : « Ce fut une opération gagnante pour les régions qui ont gagné plus de 400 M€ de dynamique depuis l’affectation de cette nouvelle recette », assure-t-on à Bercy. La partie sera serrée.
L’apprentissage…de la déception pour les régions
Du côté des régions, la déception prime à la lecture du financement de la réforme de l’apprentissage tel qu’il est prévu dans le projet de loi de finances. Comme l’a indiqué le Premier ministre le 1er octobre devant le congrès des régions à Bordeaux, l’Etat met en place 3 enveloppes pour les CFA, les centres de formation d’apprentis : « 220 millions qui correspondent au transfert de la compétence proprement dite, une enveloppe de 138 millions qui permet de majorer les coûts-contrats qui financent les CFA quand les besoins en termes d’aménagement du territoire et de développement économique le justifient, et 180 millions pour maintenir les capacités d’investissement dans les CFA. » Mais les régions espéraient 369 millions pour le transfert et 250 pour les coûts-contrats.
Pour elles, le compte n’y est donc pas et ont déjà débuté dans les couloirs ministériels des négociations qui s’annoncent délicates : « Les régions n’ont jamais consommé toute l’enveloppe consacrée à l’apprentissage et utilisaient le reliquat pour financer leurs autres compétences » rétorque un conseiller du gouvernement. Les rapports des inspections générales de l’administration, des affaires sociales et des finances publiés cet été indiquaient en effet que les 369 millions demandés correspondaient à « une quasi-affectation » des 51% de taxe d’apprentissage, « ce qui n’est le cas aujourd’hui ni en droit ni en fait ». A Bercy on est donc persuadé qu’« au final les régions sont plutôt gagnantes du redéploiement proposé dans le PLF». Le match ne fait donc que commencer.
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PLF 2020 : la réforme fiscale en débat
Sommaire du dossier
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