10 ans de la suppression de la taxe professionnelle, 15 ans de la loi libertés et responsabilités locales, 20 ans des lois Chevènement et Voynet, 40 ans de la DGF et de l’aménagement de la fiscalité directe locale… Les Assises 2019 de l’Afigese, l’association des financiers, contrôleurs de gestion, évaluateurs et managers des collectivités territoriales étaient placées sous le signe du bilan et des projections vers le futur.
«Crise financière, gel, baisse puis à nouveau gel des dotations de l’État avec la contractualisation, réorganisation territoriale… ont marqué les finances locales ces 10 dernières années. Avec pour conséquence une modification de la répartition ménages/entreprises dans la fiscalité, une montée en puissance de l’intercommunalité. Les redistributions des ressources entre territoires ont aussi changé d’échelle : aujourd’hui 16,5 % des impôts et taxes sont prélevés au nom d’une collectivité territoriale et reversés à une autre», note Thomas Rougier, secrétaire général de l’Observatoire des finances et de la gestion publique locales (OFGPL).
Changement de comportements
Aux effets de la baisse des dotations sur les ressources, s’ajoute un changement de comportement avec l’apparition d’une « sorte de sagesse fiscale plus marquée » ces dernières années. « Le poids des recettes fiscales comme les droits de mutation ou le versement transport, sensibles à la conjoncture, place les collectivités territoriales dans une situation de plus grande dépendance à la conjoncture, qui devrait se renforcer avec la suppression de la taxe d’habitation », observe de son côté Luc-Alain Vervisch, directeur des études de la banque postale collectivités locales.
Pour l’avenir, la suppression de la taxe d’habitation pose la question de la capacité d’adaptation des départements, de la stratégie fiscale pour les EPCI, des conséquences sur les mesures de richesse des territoires mais aussi des relations au citoyen s’il ne paie plus d’impôt local et de la tarification s’il s’agit alors de faire payer l’usager des services. Sur cette question, le groupe de travail Tarification et calculs de coût a présenté la première édition de son observatoire de la tarification du service public.
Evaluation et management à l’honneur
Moment fort des Assises, quatre prix Afigese ont été remis. La Ville de Caen a été récompensée pour la mise en œuvre d’une démarche de performance englobant l’ensemble des directions, le conseil départemental de l’Aube pour son action de maîtrise des risques et de contrôle afin d’améliorer ses comptes. Les actions de Saint-Herblain – démarche d’évaluation partagée en matière de culture – et de Lorient Agglomération, – co-construction d’un axe de son plan d’administration avec les communes – ont également été saluées.
Les missions d’évaluation, de contrôle de gestion, de fiscalité, d’exécution budgétaire ont fait l’objet de bilan et de prospective de la part de managers territoriaux. Si l’évaluation s’est progressivement imposée dans les régions, souvent pionnières, la fusion a rebattu les cartes, avec souvent une légitimité à reconstruire et des travaux à faire porter davantage sur les principaux postes budgétaires, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Les contrôleurs de gestion se sont eux accordés sur l’intérêt de davantage associer leur discipline aux évaluations et aux orientations de la collectivité.
Décentralisation en question
Les Assises de l’Afigèse se sont également interrogées sur l’éventualité d’une recentralisation à l’occasion de l’Acte III annoncé par le gouvernement. Secrétaire général de l’AMF, Philippe Laurent observe qu’une décentralisation à la teinte gestionnaire (ne s’occupant que des dépenses des collectivités) a pris le pas sur une décentralisation politique (celle des loi Defferre, traitant à la fois des dépenses et des recettes. « La distorsion entre les moyens à disposition et les caractéristiques d’un territoire – quand la taxe d’habitation est remplacée par une contribution forfaitaire – l’éloignement des grandes régions des citoyens… sont autant de signes annonciateurs d’une sorte de basculement. Mais la recentralisation ne pourra être massive car l’État n’a plus les capacités ni les moyens de reprendre toutes les compétences », note Françoise Navarre, maître de conférence de l’Institut d’urbanisme de Paris.
Interpellé sur cette question, un conseiller auprès d’Olivier Dussopt préfère parler de » mode de relations différentes » : « La position du gouvernement est d’améliorer la manière dont les compétences sont appliquées sur le territoire, avec une vraie responsabilisation et un libre choix des collectivités territoriales ainsi que des décisions individualisées ».
Une explication peu goûtée par Philippe Laurent qui déplore un « encadrement » de la libre administration des collectivités territoriales. Questionné sur la pertinence d’une loi annuelle de financement des collectivités territoriales, le secrétaire général de l’AMF ne s’avoue pas convaincu. « Cela pourrait fonctionner s’il existait un système comme dans les états fédéraux avec la possibilité d’obliger à la négociation par un veto du Sénat. Sans cela, le vote du Parlement ne fera que refléter l’avis de la majorité et donc du gouvernement ».
Thèmes abordés