Poser la question de l’innovation publique c’est inévitablement soulever le sujet de la transition numérique, le lien entre les différents acteurs publics et privés, s’interroger sur la place des élus, des managers et des agents, tout comme sur le moyen de s’inscrire dans une démarche de développement durable. Des thématiques au centre d’Innova’ter, le troisième forum de l’innovation territoriale organisé par La Gazette avec le concours du SNDGCT et de l’ADGCF, le 24 septembre.
Innovations et rôle de l’Etat
A l’heure des réseaux sociaux, des plateformes participatives, de l’open data, Pierre Charles Pupion s’est interrogé sur l’impact de ces innovations publiques sur le mode de gouvernance. Le docteur en science de gestion, directeur de l’IPAG/CIMP de Poitiers affirme que le rôle de l’Etat et des gouvernants, aujourd’hui, est davantage « de guider et construire un consensus, d’orchestrer le changement avec les différentes parties prenantes tout en restant les garants de la collecte des données et de la fiabilité du processus ».
Dans le même temps, il avance que « les innovations les plus radicales sont celles impulsées par le politique ou déployées à grande échelle ». Les expérimentations partant du terrain des collectivités concernent essentiellement, pour lui, l’amélioration des processus internes et de prestations de service.
Une idée en partie confirmée par l’exemple de la Finlande, représentée par Ira Alanko. Chargée de projet innovation auprès du cabinet du premier ministre, Ira Alanko a expliqué le changement de culture qui s’est opéré au plus haut sommet de l’Etat avec un gouvernement promoteur de méthodes innovantes par une adaptation de sa réglementation. Et l’acculturation est en cours. 95% des collectivités finlandaises ont innové dans les deux dernières années, 62% ont augmenté leur efficience et plus de 40% des innovations ont amélioré le bien être des agents.
Lois versus usages
En France ce dialogue entre l’Etat et les territoires s’est illustré avec la loi de transformation de la fonction publique. Ce projet « ne répondait pas forcément à une demande, mais davantage à une volonté de moderniser l’administration publique », a rappelé le député (LREM) Guillaume Gouffier-Cha.
Face à lui, Elodie Kuchcinski, directrice générale adjointe des services de la ville de Vendin le-Vieil et membre du SNDGCT, a précisé que les collectivités n’avaient pas besoin d’injonction de l’Etat pour innover. Sur la question de la parité par exemple « le bon sens et l’équilibre managérial nous font aller vers l’égalité homme femme avant même que la loi ne nous le dise. La loi peut être parfois aussi un peu en retard, comme sur la définition des missions des DG et DGA par exemple ».
Les deux intervenants ont malgré tout reconnu le travail partenarial engagé entre les différentes instances s’agissant de la loi et « la volonté d’avancer sur des notions communes ».
Démocratie numérique
L’explosion des Civic tech place aussi les collectivités face à une autre injonction de modernisation, notamment sur le thème du développement de la participation citoyenne. Présentant le baromètre réalisé par l’Observatoire des civic tech et de la démocratie Numérique, Tatiana De Feraudy, chargée de mission à Décider Ensemble, a avancé que plus de 200 collectivités avaient déjà mis en place des outils d’engagement citoyen.
Une évolution qui engage les territoires à collaborer avec de nouveaux acteurs privés, tout comme la dématérialisation les oblige à nouer un dialogue constant avec leurs agents en interne.
Accompagnement et coopération des agents
La digitalisation bouleverse de fait les méthodes de travail et la nature de certains métiers administratifs. La ville de Saint-Nazaire en a fait l’expérience avec le « semi échec » de la mise en place d’un guichet unique citoyens qui s’est heurté explique en substance Emmanuel Gros le DGS de la ville, en interne, non seulement à la réticence des agents, mais aussi au manque d’anticipation face à la nécessité technique de rendre les fichiers de différents services interopérables.
« La digitalisation implique de reprendre en main l’outil pour revisiter nos pratiques », constate Vincent Mandinaud, chargé de mission du département études, capitalisation et prospective de l’ANACT. Il ajoute : « Notre proposition est de ne pas adapter l’homme au travail mais bien le travail à l’homme ».
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