Consacrer sa thèse de doctorat (1) en droit public à la laïcité n’est pas anodin. Surtout lorsque l’on porte aussi la casquette politique d’adjointe au maire, chargée de la Culture et de la transformation digitale, à Evry-Courcouronnes. C’est pourtant ce qu’a fait Najwa El Haïté, qui dit avoir été inspirée par le combat pour la laïcité mené par l’ex-Premier ministre Manuel Valls dans cette ville de l’Essonne qui cherche désespérément à redorer son blason et à attirer une population plus aisée (la commune de 54 700 hab. compte encore aujourd’hui 52,3 % de logements sociaux).
Dans ce climat social tendu, l’élue ne veut rien laisser passer en matière d’atteinte à la laïcité. « A Evry, nous n’avons jamais cédé aux demandes religieuses portant sur la gestion des menus au sein de nos cantines scolaires. Nous ne pratiquons pas le menu sans porc, pour autant, chaque enfant a toujours le moyen de se nourrir de manière équilibrée. » Une position tranchée qui diffère de celle, officielle, de l’Observatoire de la laïcité, mais qu’elle fonde juridiquement sur le caractère facultatif de ce service public. Car Najwa El Haïté se revendique avant tout comme une juriste qui, par la publication de sa thèse, veut permettre aux lecteurs de s’interroger avec elle sur ce que dit vraiment la loi au sujet de la laïcité. Une loi qu’elle qualifie d’ailleurs de « largement suffisante », et dont elle regrette tantôt « l’instrumentalisation pour critiquer l’islam », tantôt « son accaparement pour défendre le communautarisme » ou la manière dont l’Etat s’en empare « pour s’immiscer dans la gestion du culte ».
Pourquoi avoir consacré votre thèse de doctorat à la laïcité ?
Mon parcours personnel est empreint de laïcité : j’ai débuté en politique aux côtés de Manuel Valls, alors maire (PS) d’Evry, qui a toujours porté avec beaucoup d’engagement cette valeur républicaine. Depuis 2014, je suis moi aussi élue et j’ai été confrontée à l’islam politique, ce qui m’a confortée dans mon désir d’aller plus loin pour comprendre pourquoi cette notion très française de la laïcité n’arrivait pas toujours à s’imposer dans nos quartiers.
D’autre part, en tant que juriste, je voulais analyser les textes et les décisions de justice s’y référant pour y voir plus clair. La laïcité est une notion floue pour l’opinion publique, peu de personnes parviennent à la définir. Certains y voient une interdiction de la religion dans l’espace public, d’où des crispations et parfois, des provocations. J’ai donc tenté d’en apporter une définition juridique même si, bien sûr, j’explique aussi dans ma thèse que la laïcité est une notion à la fois juridique, philosophique et politique.
Enfin, je voulais montrer dans ma thèse que c’est une notion évolutive qui interagit avec d’autres principes comme l’égalité femmes-hommes par exemple, absente de notre Constitution lorsque la loi sur la séparation des Eglises et de l’Etat est parue en 1905. Elle se transforme avec ces nouveaux principes, mais aussi avec la société et le contexte politique dans lequel nous vivons. Juridiquement, la laïcité impose un devoir de neutralité aux agents du service public, mais en aucun cas à ses usagers. Or, depuis quelques années, de plus en plus de règles encadrent la liberté religieuse des usagers à qui l’on demande de la discrétion dans l’expression de leur liberté. Ceci s’explique par le contexte politique actuel.
Avez-vous justement remarqué un point de basculement dans cette nouvelle approche de la laïcité ?
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