Depuis 1930 (1), toute personne publique peut candidater à un contrat de commande publique. Le Conseil d’Etat l’a d’ailleurs rappelé récemment (2) : « Aucun texte ni aucun principe n’interdit à une personne publique de se porter candidate à l’attribution d’un marché public ou d’un contrat de délégation de service public. »
Cela s’est vérifié le 16 juin 2006, jour où le département de la Vendée a attribué un marché, en vue de la réalisation de travaux de dragage, au département de la Charente-Maritime. Cette situation n’a pas plu à la société Armor SNC, soumissionnaire privé évincé, qui a demandé à la justice d’annuler cette décision. A l’issue d’un feuilleton juridique, le Conseil d’Etat s’exprimait pour la deuxième fois sur le sujet par une décision récente (3), dans laquelle il précise encore les conditions pour que la candidature d’une collectivité soit légale.
Satisfaire un intérêt public local
Le Conseil d’Etat y rappelle d’abord que la candidature de la collectivité doit répondre à un intérêt public local, « c’est-à-dire que la candidature constitue le prolongement d’une mission de service public dont la collectivité a la charge », dans le but par exemple de valoriser les moyens dont dispose le service.
Autre intérêt public local invocable : l’amortissement de ses équipements. Cependant, le juge du Palais-Royal y adjoint une condition. Cela « ne doit pas s’entendre dans un sens précisément comptable, mais plus largement comme traduisant l’intérêt qui s’attache à l’augmentation du taux d’utilisation des équipements de la collectivité ». Dans ce cadre, l’offre du département de la Charente-Maritime était légale. Certes, la drague acquise par la collectivité a été dimensionnée pour faire face aux besoins des ports locaux, mais dans les faits, elle n’était utilisée qu’une partie de l’année.
Le juge estime donc que « son utilisation hors du territoire départemental peut être regardée comme s’inscrivant dans le prolongement du service public de création, d’aménagement et d’exploitation des ports maritimes de pêche dont le département a la charge, sans compromettre l’exercice de cette mission ».
Ne pas fausser la concurrence
Le juge du Conseil d’Etat insiste également sur le fait qu’une fois une telle candidature acceptée, il faut s’assurer qu’elle ne fausse pas la concurrence. « Le prix proposé par la collectivité territoriale doit être déterminé en prenant en compte l’ensemble des coûts directs et indirects concourant à sa formation, sans que la collectivité publique bénéficie, pour le déterminer, d’un avantage découlant des ressources ou des moyens qui lui sont attribués au titre de ses missions de service public. »
Ainsi, si le prix de l’offre d’une collectivité est nettement inférieur à celui des autres candidats, le pouvoir adjudicateur doit s’assurer, en demandant la production des documents nécessaires, que l’ensemble des coûts a été pris en compte pour fixer ce prix. Ce qui a été fait en l’espèce.
Domaines juridiques
Notes
Note 01 CE, 26 juin 1930,« Bourrageas et Moullot », req. n° 91176. Retour au texte
Note 02 CE, 8 novembre 2000, req. n° 222208. Retour au texte