Fragilisée par son retrait du Grand débat national après une polémique sur son salaire, Chantal Jouanno est bien consciente du risque de disparition de la Commission nationale du débat public (CNDP). Mais croire qu’elle laissera mourir cette institution n’est pas bien connaître l’ex-karatéka. Pour preuve, la sortie, ce 18 juin, d’un rapport co-écrit avec ses deux vice-présidents, Ilaria Casillo et Floran Augagneu.
Avec ce rapport, les trois têtes d’affiche du débat public en France misent sur la démocratie environnementale. « Les récentes mobilisations pour le climat tant à l’échelle internationale que nationale ont montré que la question de la transition écologique et de la justice environnementale est étroitement liée à celle de la refonte démocratique. Il n’y a pas de transition écologique sans une réelle association des citoyens aux décisions qui touchent à l’environnement. En ce sens, le défi écologique est avant tout un défi démocratique » peut-on lire en introduction dudit rapport.
Vers une nouvelle institution ?
Seize pages plus loin, on comprend que les trois membres de la CNDP veulent sauver le soldat CNDP en proposant de fusionner cette dernière avec l’Autorité environnementale via la création d’une nouvelle autorité. Le tout, en conservant le statut d’autorité administrative indépendante (AAI) obtenu par la CNDP en 2002 et en permettant une simplification des démarches pour les maîtres d’ouvrage (guichet unique).
L’idée est ici de « garantir correctement le droit à l’information des citoyens » en rapprochant les missions d’information de l’une et les missions de participation de l’autre.
Le rapport dévoile également les résultats d’une enquête menée sur 91 débats et qui analyse notamment leur effectivité. De là découle un deuxième constat : la confiance des citoyens quant à l’effectivité de leur participation est à renforcer.
En effet, l’analyse des débats démontre que les projets retardés ou suspendus sont, entre autres, les projets pour lesquels les décideurs n’ont pas su bien tenir compte des résultats issus des démarches participatives.
Dans un souci de rendre les procédures participatives irréprochables sur le plan institutionnel, la nouvelle autorité donnera un avis sur le respect, par le maître d’ouvrage, de toutes ses obligations et veillera au respect de toutes les étapes (information, participation et évaluation environnementale).
Vers une obligation de réponse ?
Troisième constat tiré de l’enquête : le droit de participer « ne peut reposer sur la seule bonne volonté du maître d’ouvrage et/ou du décideur de répondre aux arguments du public ». En clair, il n’existe actuellement aucune législation imposant aux maîtres d’ouvrages de répondre aux arguments du public et cela pose problème.
Pour que « le droit à la participation soit plus qu’un droit de s’exprimer », le rapport préconise d’inscrire dans la loi l’obligation pour le maître d’ouvrage de répondre de manière motivée à tous les arguments du public repris dans le rapport établi par l’AAI suite à la procédure de participation et à ses demandes de précisions.
Concrètement, l’Autorité nouvellement créée établira une cartographie des arguments exprimés à l’issue de chaque procédure de participation. Les arguments sans réponses seront ainsi identifier et les maîtres d’ouvrage sollicités pour y répondre.
Surtout, la principale ambition dégagée dans le rapport est celle d’un « renforcement des droits individuels ». Les droits des citoyens à la participation dans le domaine environnemental sont décrits dans un arsenal juridique complexe, et sont notamment inscrits dans la Convention d’Aarhus de 1998, mais aussi dans la Charte constitutionnelle de l’environnement (article 7).
D’après le rapport de la CNDP, ces droits méritent alors non pas d’être « élargis », mais « définis en profondeur ». A ce titre, ils doivent se traduire par des « mécanismes » qui permettent leur application totale et ce, pour tous les publics, y compris « les plus démunis ».
Reste à savoir si la voix de la CNDP sera entendue par le Gouvernement.
Références