Alors que le gouvernement affiche son intention de réinvestir le terrain de la prévention spécialisée, la présidente du CNLAPS réagit et passe en revue les défis à relever pour les éducateurs de rue.
La présence du secrétaire d’Etat à vos journées interinstitutionnelles du 14 juin marque-t-elle un signal en direction de la prévention spécialisée ?
C’est intéressant qu’il soit venu. Il a passé un message. Sa présence rattache la prévention spécialisée au champ de la protection de l’enfance et c’est d’autant plus important qu’on vit un passage en métropole depuis la loi NOTRe. Elle illustre également le travail qu’on mène avec ses services sur les sortants de l’Aide sociale à l’enfance (ASE), sur les Mineurs non accompagnés (MNA).
Comment considérez vous les 5 millions d’euros, relativement modestes, qui sont dédiés à la prévention spécialisée dans la Stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté ?
On peut évidement demander plus, mais ce qui est intéressant, c’est la contractualisation qu’il y a derrière. Puis, ce ne sera pas du saupoudrage, ces subventions permettront de créer des postes ciblés notamment sur les quartiers de reconquête républicaine.
Quels sont les défis à relever par la prévention spécialisée dans le cadre de son transfert des départements aux métropoles ?
Il y a d’abord le défi d’acculturation. Il faut que les équipes de la prèv s’acculturent à celles de la métropole et vis versa. La métropole doit intégrer le cadre d’intervention de la prévention spécialisée, le fait qu’elle est une mission de la protection de l’enfance. De son côté, la prèv doit s’adapter à la métropole et travailler davantage sur la dimension territoriale. Les éducateurs doivent être de plus en plus attentifs à la question du développement social local.
Enfin, les départements restent chefs de fil dans le domaine de la protection de l’enfance et pilotent son schéma départemental. Il en résulte une triangulation. Comment vont s’articuler les trois acteurs ? Avec le passage à la métropole, la prèv voit se poser la question des territoires ruraux, remise sur le devant de la scène par les gilets jaunes. C’est un domaine d’intervention relativement nouveau.
Quels sont les enjeux actuels pour la prévention spécialisée ?
Le premier, c’est le phénomène des MNA, qui ne va pas s’arrêter. La problématique est complexe. Parmi les MNA, beaucoup sont très dynamiques, ont une vraie volonté de s’intégrer. Mais il y en a aussi qui sont victimes de réseaux, qui tombent dans criminalité, c’est sur eux que nous sommes inquiets.
Nous devons réinterroger notre prise en charge en général. Nos clubs gèrent par exemple de l’hébergement pour les MNA. Cela amène de nouvelles pratiques. Plus généralement, quels partenariats lier avec l’Etat et les collectivités pour essayer d’assurer la meilleure qualité à l’intervention sur ce public ? Derrière ces questions, les dépenses continuent à grimper. Face aux MNA, les départements ne doivent pas mettre en difficulté les autres missions de la protection de l’enfance au risque d’alimenter les extrêmes qui diront : on enlève aux Français pour donner aux étrangers. Les MNA nous interrogent sur notre accompagnement éducatif, mais c’est surtout une question éminemment politique.
L’autre enjeu, c’est de poursuivre le travail avec l’Etat sur la radicalisation. Il s’est passé la même chose dans ce domaine que pour le MNA – l’Etat a reconnu notre expertise, car nous sommes auprès de ces publics, et nous avons été sollicités. Mais c’est surtout un travail sur les radicalités que nous promouvons.
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