Sans présager de la teneur définitive des propositions présidentielles qui ont opportunément filtré cette semaine, l’exécutif semble avoir pris la mesure de l’accusation qui lui est faite depuis le mouvement des Gilets jaunes à propos du retrait des services publics, particulièrement dans les territoires ruraux.
Le sentiment d’abandon, nourri par le recul continu du nombre de points d’accueil au public à travers le pays depuis 1980, a alimenté rancœur et colère d’une population fragilisée par la crise économique et le déclassement social.
Les maires ont fait remonter ces remugles qu’ils sentent depuis quelques temps déjà à l’Etat, sans que ce dernier ne modifie son analyse du maillage de ses services, basée sur des critères financiers. Or justement, cette grille de lecture comptable, largement utilisée dans le choix des suppressions de trésoreries, de gares ou de bureaux de poste, semble avoir été subitement négligée par Emmanuel Macron qui a annoncé le gel de fermetures des écoles ou des hôpitaux, sans avoir évoqué comment serait assuré son financement.
Question du financement
Car, si la fermeture des services publics entraîne dans l’esprit macronien des économies, comme il l’a expressément précisé dans les questions fermées du Grand débat national, l’inverse coûte de l’argent. Il va donc falloir vite préciser dans quelles conditions financières les hôpitaux et les écoles pourront assurer leur survie dans ces territoires en déprise.
L’Etat se vante parfois de préserver une certaine qualité de service en dépit des efforts budgétaires consentis, en oubliant ce que cette qualité doit aux ressources des collectivités. Qu’en sera-t-il demain ? L’Etat mettra-t-il davantage à contribution le monde local pour assurer sa mission éducative par exemple ? Faudra-t-il en passer par des fonds de solidarité ou de péréquation pour entretenir des hôpitaux à moitié vides et de plus en plus exigeants en matériel et compétence pour satisfaire les besoins de populations vieillissantes ?
Relation contractuelle
A coup sûr dans l’esprit du nouveau monde, le maintien d’un maillage fin des services publics ne se fera plus dans les mêmes conditions, statutaires par exemple, comme on peut le voir avec le détricotage en cours du statut de fonctionnaire, mais aussi financières. L’exemple des agences comptables, projet qui consacrerait le rapprochement de l’ordonnateur local et du comptable national mais à la charge des collectivités, pourrait être la préfiguration d’un nouveau mode contractuel de délivrance de service public.
Encore faut-il que les collectivités puissent mobiliser les ressources nécessaires. C’est toute l’inconnue actuelle, à cause notamment d’une réforme de la fiscalité locale qui patiente dans l’antichambre du Parlement puisqu’elle devrait être intégrée au prochain PLF. Mais pas seulement. La question de l’autonomie financière devient fondamentale dans ce schéma en vertu du principe cher à l’AMF : qui décide paie, qui paie décide. Si l’Etat veut davantage associer les collectivités dans la délivrance de services publics, il faudra qu’elles décident avec lui et donc qu’elles paient. Il leur faut alors les moyens correspondants et la liberté de les employer.
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