L’allocution n’a pas été diffusée le 15 avril pour cause d’incendie de Notre-Dame. Mais son contenu circule dans les médias. En guise de conclusion du grand débat, le chef de l’Etat avait prévu un train de mesures dont beaucoup concernent au premier chef les collectivités territoriales. Revue de détail.
Un nouvel acte de décentralisation
« Un nouvel acte de décentralisation » : Emmanuel Macron veut bâtir avec les élus d’ici la fin de l’année un projet fondé sur la différenciation territoriale. Un principe inscrit dans la révision constitutionnelle lancée voici un an. Une réforme maintes fois repoussée, d’abord pour cause d’affaire Benalla, puis de crise des gilets jaunes et enfin de grand débat.
En donnant aux collectivités la possibilité de s’organiser plus librement, Emmanuel Macron espère gommer les dommages collatéraux de la réforme territoriale. Des effets négatifs dénoncés par les maires tout au long du tour de France présidentiel de ces trois derniers mois.
Emmanuel Macron veut « simplifier le millefeuille de notre organisation selon le modèle adapté à chaque région ». Un premier pas a été franchi avec le projet de loi visant à instaurer la collectivité unique d’Alsace, fusion du Bas-Rhin et du Haut-Rhin dotée de compétences extra-départementales. Un texte revu et corrigé par le Sénat le 4 avril.
Emmanuel Macron ne souffle en revanche mot du conseiller territorial. Une fin de non-recevoir pour le ministre délégué aux collectivités territoriales Sébastien Lecornu qui plaide pour le retour de cet élu appelé sous Nicolas Sarkozy à siéger les assemblées départementales et régionales ? Il est sans doute trop tôt pour l’affirmer.
Stop aux fermetures de services publics
La restitution du Grand débat l’a montré, les Français sont attachés à leurs services publics, et plus particulièrement à l’éducation et la santé. Il s’agit en effet des deux seuls services publics pour lesquels une partie des participants accepteraient une baisse des impôts.
Emmanuel Macron l’a entendu, puisqu’il s’apprêtait à annoncer l’arrêt des fermetures d’écoles ou d’hôpital d’ici la fin du quinquennat, sans l’accord des maires concernés. C’est aussi une façon de calmer la grogne qui accompagne le projet de loi Ecole de la confiance, accusé, à travers la création des établissements publics des savoirs fondamentaux (EPSF), de vouloir organiser le démantèlement des écoles en milieu rural.
Rappelons qu’un moratoire sur la fermeture des écoles en milieu rural avait déjà été décrété par le président de la République en juillet 2017, lors de la première conférence des territoires, qui n’avait pas été véritablement respecté. 207 classes avaient bel et bien été fermées en milieu rural, à la rentrée de septembre 2018. Par ailleurs, l’arrêt des fermetures d’écoles ne signifie pas l’arrêt des fermetures de classes.
Le président aurait également dû annoncer une limitation du nombre d’élèves par classe à 24, de la grande section de maternelle au CE1, une façon également de donner des gages aux enseignants et aux parents d’élèves. La démographie scolaire étant en baisse, l’impact de cette mesure devrait cependant être limité.
Enfin, sur le volet santé, le projet de loi relatif à l’organisation et à la transformation du système de santé d’Agnès Buzyn prévoit la fermeture de centres hospitaliers existants, qui seraient transformés en hôpitaux de proximité.
L’annonce de l’arrêt des fermetures d’hôpitaux sans l’accord des maires concernerait-il aussi la transformation en hôpital de proximité ? Il faudra attendre la semaine prochaine pour en savoir plus.
Un RIC local, un RIP simplifié et une convention de citoyens tirés au sort
En matière de démocratie participative, le président de la République semble avoir entendu le désir d’en faire plus. Tout d’abord, le référendum d’initiative citoyenne (RIC) voulu par les Gilets jaunes sera mis en place « mais sur des sujets locaux », selon le projet d’allocution qu’Emmanuel Macron devait prononcer lundi.
Un RIC version locale qui serait donc un prolongement de la votation d’initiative citoyenne (VIC) instaurée en 2004 dans le code général des collectivités territoriales. Pour rappel, la VIC permet dans une commune, à un cinquième des électeurs inscrits sur les listes électorales et, dans les autres collectivités territoriales, un dixième des électeurs, de demander à ce que soit inscrite à l’ordre du jour de l’assemblée délibérante de la collectivité l’organisation d’une consultation sur toute affaire relevant de la décision de cette assemblée.
Avec le RIC local – même si à l’heure actuelle, les conditions ne sont pas encore connues – ce n’est pas uniquement l’initiative qui serait citoyenne, mais aussi le vote. Un pas franchi vers la démocratie directe même si un filtre de nombre minimal de signatures pourrait également être prévu pour que le projet soit valable.
De plus, Emmanuel Macron souhaite simplifier le référendum d’initiative partagé (RIP) au-niveau national. Souvent décrié pour sa complexité, le premier RIP a seulement vu le jour la semaine dernière alors qu’il avait été instauré… en 2008 !
Enfin, le locataire de l’Elysée entend mettre en place, « d’ici le mois de mai », une convention de 300 citoyens tirés au sort, chargée de travailler à la transition écologique et aux réformes concrètes à prendre.
Suppression de l’Ena et de « plusieurs autres structures » de formation
Selon plusieurs confrères, dont le Figaro, qui ont obtenu son texte d’intervention, Emmanuel Macron aurait dû, le 15 avril, annoncer la suppression de l’École nationale d’administration (ENA). Et ce, pour favoriser une sélection des jeunes « en fonction uniquement de leur mérite et pas de leur origine sociale ou familiale ».
D’après le président de la République, « l’État se doit en la matière de montrer l’exemple. Si nous voulons bâtir une société de l’égalité des chances et de l’excellence républicaine, il nous faut refonder les règles du recrutement, des carrières et de l’ouverture de la haute fonction publique».
« C’est pourquoi nous changerons la formation, la sélection, les carrières en supprimant l’ENA et plusieurs autres structures pour en rebâtir l’organisation profonde», serait-il aussi écrit.
Ce n’était pas un secret : le gouvernement entend repenser la formation de tous les agents, y compris celle du versant territorial. Dès lors, se pose la question du devenir de l’Institut national des études territoriales (Inet). Alors même que le président de la République aurait dû rappeler vouloir « plus de fonctionnaires présents sur le terrain, avec davantage de responsabilités afin de prendre des décisions et d’apporter des solutions concrètes pour nos concitoyens, et moins de fonctionnaires à Paris pour écrire des normes ou créer des règles ».
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