L’annonce avait fait l’effet d’un coup de tonnerre dans le monde des entreprises publiques locales (EPL) en novembre dernier. Saisi dans une affaire opposant le syndicat mixte pour l’aménagement et le développement des Combrailles et le Préfet du Puy-de-Dôme, le Conseil d’État estimait, dans un arrêt du 14 novembre 2018, que la participation d’une collectivité à une société publique locale (SPL) est « exclue lorsque cette collectivité territoriale ou ce groupement de collectivités territoriales n’exerce pas l’ensemble des compétences sur lesquelles porte l’objet social de la société. » Le différend avec l’État portait sur la transformation de la société d’économie mixte (SEM) Société d’exploitation mutualisée pour l’eau, l’environnement, les réseaux, l’assainissement dans l’intérêt du public (Semerap) en SPL.
« La décision du Conseil d’État n’était pas évidente, estime Yvon Goutal, avocat associé du cabinet Goutal-Alibert. Il y avait plusieurs lectures possibles et le Conseil d’État a choisi la plus rigoriste. C’est dévastateur pour les SPL et pour les SEM ! Avec cette jurisprudence, quatre sociétés sur cinq se retrouvent dans l’illégalité ».
Cette insécurité a poussé certains maires, comme Pierre Breteau, maire de Saint-Grégoire et président de l’Association des maires de France d’Ille-et-Vilaine, à solliciter leurs sénateurs, afin de « corriger cette jurisprudence hyper restrictive. » Pierre Breteau estime que l’avis du Conseil d’État « ne tient pas compte de la réalité sur le terrain ! Il y a des compétences qui restent partagées de facto, même après le transfert, comme la promotion touristique, sur laquelle les communes restent mobilisées. Et les SPL font cela très intelligemment, elles facilitent la mutualisation ! »
Lever une incertitude juridique
La proposition de loi a été rédigée par Hervé Marseille, sénateur Union Centriste des Hauts-de-Seine, a été adoptée à l’unanimité jeudi 4 avril 2019. « Il est uniquement question dans ce texte de lever une incertitude juridique, assurait jeudi devant les sénateurs, l’auteur de la proposition. Et de sécuriser la possibilité, pour des collectivités de strates différentes d’être actionnaires de la même EPL (SPL et SEM). Ni plus, ni moins. » Concrètement, la proposition de loi précise qu’une collectivité peut prendre une participation dans une entreprise publique locale dont l’objet comprend au moins l’une de ses compétences.
Une initiative bien accueillie par le gouvernement, représenté devant le Sénat jeudi dernier par Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics, qui estimait que « la jurisprudence du Conseil d’État risque en effet de déstabiliser un secteur économique essentiel pour nos territoires. » précisant que « selon la fédération des EPL, 1 300 EPL emploient 70 000 salariés et pèsent 14 milliards d’euros de chiffre d’affaires. » Désormais la balle est dans le camp des députés. La proposition devrait être étudiée en commission des lois à l’Assemblée nationale le 30 avril et en séance publique le 9 mai.
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