Le Conseil d’Etat vient d’éclaircir une question que se posent de nombreuses collectivités : l’interdiction de mettre à disposition des locaux au bénéfice d’une association cultuelle pour l’exercice d’un culte concerne-t-elle aussi les biens du domaine privé de la collectivité ? Oui, sous conditions, répond la haute juridiction administrative dans une décision du 7 mars 2019. En l’espèce, des requérants ont notamment demandé au juge d’annuler, d’une part, la délibération du 22 juin 2012 par laquelle le conseil municipal de la commune de Valbonne a décidé la mise à disposition d’un local au bénéfice de l’association Musulmans de Valbonne Sophia Antipolis et, d’autre part, a autorisé le maire ou son représentant à signer une convention d’occupation avec cette association.
Principe de neutralité
Les motifs juridiques des requérants sont simples : la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l’Etat interdit tout financement public, même indirect, des cultes.
Saisi en cassation, le Conseil d’Etat rappelle, parallèlement aux dispositions de la loi de 1905, que l’article L.2144-3 du CGCT permet à une commune, en tenant compte des nécessités qu’elles mentionnent, d’autoriser, dans le respect du principe de neutralité à l’égard des cultes et du principe d’égalité, l’utilisation pour l’exercice d’un culte par une association d’un local communal, dès lors que les conditions financières de cette autorisation excluent toute libéralité et toute aide à un culte. Par suite, une commune ne peut rejeter une demande d’utilisation d’un tel local au seul motif que cette demande lui est adressée par une association dans le but d’exercer un culte.
Pérennité et exclusivité
Mais la possibilité de laisser ces locaux de façon exclusive et pérenne à la disposition d’une association pour l’exercice d’un culte est illégale. En effet, selon le Conseil d’Etat, « décider qu’un local appartenant [à la commune] et relevant des dispositions de cet article L.2144-3 du CGCT sera laissé de façon exclusive et pérenne à la disposition d’une association pour l’exercice d’un culte et constituera ainsi un édifice cultuel ». Une position connue des juges du Palais-Royal qui avaient déjà, dans une décision du 19 juillet 2011, posé cette interdiction en cas de mise à disposition « exclusive et pérenne ».
Mais la différence, en l’espèce, repose sur la nature du bien loué à l’association cultuelle. Il s’agit d’un local qui appartient, comme l’a jugé le tribunal administratif en premier ressort, au domaine privé de la commune de Valbonne. Et dans ce cas, le Conseil d’Etat ne retient pas la même solution. Selon lui, « les collectivités territoriales peuvent donner à bail, et ainsi pour un usage exclusif et pérenne, à une association cultuelle un local existant de leur domaine privé sans méconnaître les dispositions précitées de la loi du 9 décembre 1905 ». Avec une telle différence de régime, le déclassement des biens publics risque de se développer… au détriment de la laïcité ?
Cet article est en relation avec le dossier
Domaines juridiques