La mécanique du Grand débat national se révèle au jour le jour. Sans doute au rythme où elle est créée… Ainsi, cette semaine du 11 au 18 mars, c’est une série de « conférences nationales thématiques » qui est organisée, dont celle sur la transition écologique qui a lieu ce lundi 11 mars au ministère éponyme.
Il n’y a pas foule cependant, tout au plus une cinquantaine de représentants d’associations d’élus (AMF, AMRF, ADF, APVF, ADCF), ONG environnementales et autres associations professionnelles (Medef, FNSEA, etc.) dans la grande salle d’auditorium.
Ces participants ont été invités, au préalable, à envoyer leurs propositions pour le grand débat ; les 65 idées ainsi récupérées doivent être discutées dans la journée dans le cadre de plusieurs ateliers, afin d’identifier quelles sont les convergences de vues et les divergences.
Une analyse inédite des résultats
En préambule, et afin de donner un peu de matière à l’assemblée, Alain Chagnaud, consultant du cabinet Roland Berger – pilote du groupement qui a été retenu dans le cadre du marché public du traitement des données issues du Grand débat, hormis pour celles du site www.granddebat.fr (qui sont traitées par Opinion way) – présente des résultats intéressants.
Il s’agit d’une première analyse de toutes les données qui ont été récupérées au jour du 18 février : 770 mails et pièces jointes, 800 comptes rendus de réunion d’initiative locale, 500 000 réponses aux questions ouvertes. Ils ont été analysés à travers le logiciel « Qwam text analytics. « Il s’agit d’un outil d’analyse en masse qui repose sur une technologie de traitement automatique du langage couplée à de l’intelligence artificielle », précise l’expert. Le processus est le suivant : le logiciel procède à des regroupements de mots, question par question. Puis des experts analystes contrôlent la cohérence de ce travail d’intelligence artificielle, en vérifiant des verbatim de façon aléatoire par rapport aux résultats. « L’idée est vraiment de restituer l’intégralité des propos dans leur diversité et leurs nuances », souligne-t-il, en expliquant que l’on arrive ainsi à une cartographie lexicale ainsi qu’à des arbres de propositions, qui mettent en évidence les forces des propositions qui ressortent.
4 thèmes sont apparus
Tous les données n’ont pas encore été récupérées et traitées, mais déjà, souligne-t-il, « on sait que les principales catégories ne bougeront plus ». Huit thèmes ressortent. On retrouve les quatre imposés par le gouvernement (écologie ; organisation de l’Etat et des services publics ; fiscalité et comptes publics ; démocratie) mais aussi 4 nouveaux thèmes :
- santé et intégration,
- économie et emploi,
- pouvoir d’achat,
- éducation.
Le consultant est revenu ensuite plus précisément sur la transition écologique, en évoquant les idées qui remontaient. Il cite au hasard les circuits courts, l’éducation à l’environnement, les attentes en matière de développement des énergies renouvelables, le renforcement de la fiscalité écologique, une meilleure protection de l’environnement (notamment le recyclage et la valorisation des déchets), le développement des transports publics et des modes de déplacements doux…
Les propositions des experts réunis
Une cinquantaine de participants ont donc débattu durant l’après-midi, et livré au Premier ministre ainsi qu’aux ministres présentes, Elisabeth Borne et Emmanuelle Wargon, les conclusions de leurs 5 ateliers. Certains y ont participé de bonne foi, comme Dominique Gros, maire de Metz et premier vice-président développement économique de Metz métropole, qui représentait France urbaine. D’autre avec plus de réticence, se demandant au fond quel était l’intérêt de cette énième démarche. C’est le cas d’un représentant de la FNSEA, qui a souligné qu’une longue concertation avait déjà eu lieu dans le cadre des Etats généraux de l’alimentation en 2018. Un représentant d’une association environnementale abonde, reconnaissant qu’il est d’accord avec cet agriculteur avec qui il a l’habitude de croiser le fer, listant à son tour les multiples concertations ou consultations : les assises de la mobilité, la consultation nationale sur la PPE, etc.
Les rapporteurs des cinq ateliers révèlent donc leurs conclusions (lire ci-dessous), mettant en valeur des accords et désaccords.
Comme l’avait justement rappelé en préambule un représentant de France stratégie qui présentait les ateliers, « l’objectif n’est pas d’aboutir à un consensus mais plutôt de voir quels sont les points de convergence et de divergence ». Et c’est aussi le point que relève en conclusion le Premier ministre, Edouard Philippe, cette cartographie étant en effet un moyen d’identifier les propositions qui pourraient être plus ou moins facilement acceptées.
« L’objectif est qu’on puisse voir les dynamiques qui reçoivent un accent tonique pour penser les solutions. Mais cette synthèse est tout sauf une conclusion », relativise-t-il, soulignant que mêmes les propositions qui font l’objet d’un consensus fort « méritent encore beaucoup d’examen. Il faut voir comment on y va, à quoi il faut renoncer pour aller à cet endroit où on veut y aller, à quel rythme y aller, en regardant si le diable ne se cache pas dans les détails ».
En attendant, ces conférences thématiques nationales vont permettre d’établir des fiches qui serviront aux prochaines conférences citoyennes. Celles-ci vont avoir lieu en région dans les semaines à venir, avec un public tiré au sort. Ensuite, viendra le temps d’un long débat au parlement, la première semaine d’avril. Il restera alors au gouvernement de déterminer ses choix dans ce riche éventail de propositions …
Les conclusions des 5 groupes
Sur la fiscalité écologique et le financement de la transition :
Il existe un consensus sur :
- Insuffisance des financements et incompréhension de la fiscalité
- Nécessité de flécher la fiscalité vers les politiques environnementales et vers les collectivités.
- Mobiliser les financements privés, pénaliser les investissements des banques dans les énergies fossiles (avec un bonus-malus).
- Accompagner les ménages en difficulté
- Créer un fonds national pour l’écologie circulaire et une TGAP amont
Il existe un dissensus sur :
- Renforcer ou pas la fiscalité écologique.
Sur l’agriculture et l’alimentation durable
Il existe un consensus sur :
- Mieux rémunérer les producteurs agricoles et favoriser la consommation de produits locaux.
- Améliorer les mesures d’accompagnements des politiques existantes
- Rôle clé de la commande publique pour faire evoluer les pratiques agricoles et les politiques alimentaires, même si la commande publique n’est pas adaptée à cela.
- Réduire l’usage des pesticides
Il existe un dissensus sur :
- Intérêt de l’agriculture bio pour l’environnement et la santé
- Comment réduire les pesticides
- Orientation plus ou moins forte sur l’environnement de la future politique agricole commune (PAC) européenne.
- Artificialisation des sols (sa définition, ses modalités, etc.)
Nature, cadres de vie et sensibilisation des citoyens
Il existe un consensus sur :
- Erosion de la biodiversité,
- Agir plutôt par des incitations que par des sanctions (bonus-malus).
- Mieux coordonner les grands programmes nationaux et offrir la liberté de pouvoir s’adapter localement, en encourageant les expérimentations et en faisant connaitre les initiatives citoyennes
- Importance de l’éducation populaire à l’environnement, tout au long de la vie.
- Créer un fonds alimenté par la fiscalité
Développer les territoires tout en réduisant inégalités territoriales et sociales.
Il existe un consensus sur :
- Manque de cohérence des politiques nationales entre elles, ainsi qu’entre les politiques nationales et locales.
- Créer un guichet d’accueil unique pour l’accès aux droits, pour le social et la transition écologique.
- Manque d’ingénierie pour les petites communes
- Nécessité d’évaluer les politiques publiques.
Il existe un dissensus sur :
- Donner un droit à l’expérimentation (demandé par les collectivités, mais craint par les associations environnementales)
Mobilités alternatives, énergies non carbonées, rénovation des bâtiments
Il existe un consensus sur :
- Baisse de la TVA pour les transports publics,
- Retour de l’écotaxe en fléchant ses recettes en direction des infrastructures de transports.
- Nécessité de réduire les distances entre habitants, travaillleurs, et urbanisme
- Instauration d’un droit à la mobilité active non opposable.
- La gouvernance de la mobilité doit être plus claire et renforcée.
- Plus de cohérence, de vision à long terme et de moyens sur la politique énergétique
- Faire un plan bois énergie.
- Relever les ambitions de l’éolien offshore
- Travailler sur la précarité énergétique, le décret décence (interdire à la location les batiments F et G ),
- Revenir sur les coupes budgétaires visant les bailleurs sociaux et exiger en échange plus de rénovation énergétique.
Il existe un dissensus sur :
- Arrêt des véhicules à moteur thermique en 2030 ou 2040
- Taxation des transports aériens.
- Faire des rénovations énergétiques ambitieuses ou avancer pas à pas.
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