Quelle analyse faites-vous des chiffres du THD en 2018 ?
La dynamique du déploiement se confirme ! Nous arrivons dans des ordres de grandeur qui répondent au défi : un million de locaux ont été rendus éligibles au 4eme trimestre, soit 3,3 millions de nouveaux locaux sur 2018. On voit notamment la montée en puissance des zones AMII qui ont déployé 620 000 locaux au dernier trimestre 2018 contre 450 000 trois mois avant. Les RIP eux, passent de 207 à 250 000 locaux. C’est une belle performance, mais elle doit encore s’intensifier, car c’est dans les RIP qu’il y le plus à faire d’ici à 2022. Nous constatons une très forte mobilisation des acteurs, ce qui est positif.
Quelle est votre position concernant les appels à manifestations d’engagements locaux (AMEL) ?
L’ARCEP joue un rôle modeste dans les AMEL dont elle n’est pas l’architecte. Ils résultent en effet d’une décision du gouvernement et des élus locaux concernés. Notre rôle est de nous porter garants du dispositif. Je pense cependant que l’on peut utiliser le marché pour faire de l’aménagement numérique du territoire. Mais pour cela, il faut un cadre contraignant.
Pouvez-vous rassurer les collectivités qui doutent que les opérateurs soient sanctionnés en cas de non respect de leurs engagements ?
Sur les AMEL, notre priorité numéro un est de faire en sorte que les opérateurs apportent vraiment le réseau en temps et en heure. Notre vigilance est essentielle, car, si un territoire renonce à intervenir et que la fibre n’arrive pas, cela décrédibilisera tous les intervenants et fera perdre un temps précieux. Nous mettrons donc tout en œuvre pour que ce scénario noir n’arrive jamais. L’Autorité utilisera toute une batterie d’outils de surveillance et le cas échéant de répression pour faire respecter leurs engagements aux opérateurs.
Cependant, étant moi-même président de la formation d’instruction, je ne peux assurer personnellement qu’il y aura sanction. C’est un collège spécifique de trois membres de l’Arcep qui statuera. De plus, une sanction n’amène pas la fibre. Nous n’avons pas le pouvoir magique de faire apparaître un réseau. Nous sommes dans le cadre de la régulation et pas des contrats publics. Le cas échéant, l’opérateur paiera des amendes versées au budget de l’État, mais la collectivité restera liée à lui.
Quel est votre rôle dans la validation des AMEL ?
Nous avons été saisis en février de deux premières demandes d’avis par le gouvernement pour le Lot-et-Garonne et la Côte d’or, et nous savons que d’autres vont arriver. Nous allons bientôt rendre nos avis sur ces deux dossiers (l’avis concernant la Côte d’Or a été publié vendredi 22 mars, ndlr). Nous y analysons toutes les clauses de l’engagement pour éviter les mauvaises surprises, nous vérifions qu’il n’y a pas d’échappatoires, que les engagements sont fermes, pertinents et vérifiables. Nous nous assurons que l’entité juridique qui s’engage est la bonne, qu’il y a une solidarité financière avec la maison-mère…
Analysez-vous les impacts des AMEL sur l’équilibre économique de chaque RIP ?
Non, ce n’est pas notre rôle, d’autant qu’un AMEL ne peut être déclenché que si le porteur du RIP est d’accord. Toutefois, l’Arcep est très vigilante sur la question de la péréquation. Il ne faudrait pas que dans le cadre d’AMEL, le modèle économique des opérateurs déployant le réseau soit fondé sur le fait de vendre la fibre plus cher. Nous souhaitons le plein maintien de la péréquation, car les AMEL s’inscrivent dans une logique d’aménagement du territoire. Nous ne voulons pas remettre en cause l’équilibre économique de la fibre. Toutefois, nous ne faisons qu’émettre un avis, c’est le gouvernement qui, au final, décide…
Comment vérifier sur le terrain que les opérateurs tiendront effectivement leurs engagements ? Quel est le rôle des collectivités ?
Nous allons intégrer les AMEL dans notre observatoire trimestriel du THD et dans nos cartes de couverture, comme nous le faisons pour les zones moyennement denses (AMII). Sur cette base, nous pourrons lancer des contrôles si nous constatons des dérives. Cependant, si les collectivités ont mis en place des pénalités contractuelles, nous préférons alors qu’elles soient en première ligne. En effet, il faut veiller à la bonne articulation entre contrôles réglementaires (nous) et contrôles contractuels (les collectivités), leur coexistence pouvant causer des ambiguïtés. Certains territoires envisagent, plutôt que des pénalités, un point de contrôle mensuel effectués par les collectivités. Dans ce cas, nous interviendrions en deuxième niveau, si le dialogue entre élus et opérateur ne suffisait plus. Alors, en tant que gendarme, nous pourrions durcir le ton.
Où en sont les déploiements dans le cadre du New deal mobile ?
Le New deal mobile se met en place. Les dispositifs précédents n’étaient pas satisfaisants parce que pas assez ambitieux, mais aussi parce qu’ils ne s’appuyaient pas sur l’intelligence des territoires. C’est en local que les arbitrages doivent se faire. Avec les opérateurs, nous avions identifié, dans notre atlas, 2000 zones candidates. Certains acteurs ont eu l’impression que nous leur forcions la main. Je tiens à rappeler que ce sont bien les élus locaux et l’État qui sont décisionnaires et non l’Arcep. Pour le moment nous n’avons pas eu d’alerte. Les opérateurs semblent jouer le jeu en ce qui concerne le déploiement.
Respectent-ils leurs autres obligations ?
Les informations qu’ils fournissent concernant les pannes de leurs réseaux ne sont pas assez précises et homogènes. Les opérateurs ne proposent pas encore des offres simples aux entreprises permettant de recevoir et de passer des appels à l’intérieur des bâtiments, quel que soit l’opérateur. Ce n’est pas normal ! Enfin, les opérateurs ont l’obligation de communiquer certaines projections sur la manière dont ils vont couvrir les zones. Actuellement, ces informations ne sont pas toujours fournies. Nous devrons durcir le ton si cela n’avance pas très rapidement. Le New Deal est issu d’une négociation entre le l’Etat et les opérateurs. L’accord ayant été conclu, tous les engagements doivent être totalement mis en œuvre, sous peine de décrédibiliser l’ensemble.
Où en est la 5G ?
A ce jour, il existe encore des débats sur les usages de la 5G. Nous avons consulté les acteurs et dépouillons leurs contributions qui ont été nombreuses. Le gouvernement devrait donner les grandes orientations sur l’attribution des fréquences 5G au début du printemps. Nous espérons lancer une consultation sur les modalités d’attribution au deuxième trimestre pour lancer la procédure à l’automne. La question des obligations de couverture sera présente, mais différemment du New deal. Il y aura redevance car il s’agit de nouvelles fréquences. Pour aider la 5G à se développer, les collectivités peuvent jouer un rôle dans le soutien de cas d’usage, dans le secteur de la smart city ou des véhicules autonomes, mais aussi dans le cadre de l’agriculture connectée…
Quelles sont les suites de la mise en demeure d’Orange concernant la qualité de service du réseau cuivre ?
Nous avons mis en branle un dispositif de contrôle. Aujourd’hui, il est encore trop tôt pour dire si Orange répond bien aux stimuli. Nous avions mis deux premiers points de contrôle en novembre et décembre 2018 pour bien marquer notre détermination. En 2019, les paliers seront plus exigeants, et, un contrôle sera effectué chaque trimestre. Vers le mois de mai, nous commencerons à avoir une première impression sur les efforts mis en œuvre par Orange et les premières mesures. Nous en rendrons compte. Nous voulons un rétablissement structurel du réseau. Mais cela pose une problématique de fond : savoir comment on gère plusieurs réseaux en parallèle, quand on sait que l’un deux, à long terme, sera abandonné.
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Le très haut-débit prend son temps pour arriver
Sommaire du dossier
- Menaces sur l’économie des réseaux d’initiative publique
- [Data] Un déploiement de la fibre à petits pas
- « Les opérateurs ont pris des engagements et il faudra bien juger de leur respect » – Sébastien Soriano
- Télécoms : quel avenir pour les réseaux de première génération ?
- Tadurézo, Tu captes, kiCapte… Les collectivités locales développent leurs applis pour tester les réseaux mobiles
- Communications électroniques : le déploiement des réseaux à très haut débit
- Déployer la 4G là où la fibre s’arrête
- « Le gouvernement a une vision financière et non politique du THD »
- « On peut utiliser le marché pour faire de l’aménagement numérique » – Sébastien Soriano
- La Vendée mise sur le THD radio
- En cartes et en graphiques : comment avance la couverture mobile en 4G en France ? (1/2)
- En cartes et en graphiques : comment avance la couverture mobile en 4G en France ? (2/2)
- Numérique : le new deal proposé par l’Etat aux collectivités et aux opérateurs
- Territoires ruraux : la République déconnectée
- Quel modèle économique pour le méga-contrat de Mégalis pour fibrer la Bretagne
- Téléphonie mobile : « C’est l’intelligence des territoires qui va être au pouvoir »
- En attendant la fibre, le très haut-débit radio s’invite dans 30 000 foyers
- Avec Datamobile, les pylônes poussent en zone rurale et la 4 G devient une réalité
- En Paca, le déploiement du très haut-débit dans la tourmente
- Dans le Gers, le pari gagné d’un bon débit partout et pour tous
- Très haut-débit : les bons comptes du réseau d’initiative publique du Grand-Est
- Le très haut-débit radio à la rescousse des habitations et entreprises isolées
- Le wifi public séduit les territoires ruraux
- Cyril Luneau (Orange) : « L’expertise digitale est remontée à l’interco »
- Cour des comptes : « Il manque 15 milliards pour financer le plan France Très Haut Débit »
- « La couverture du territoire est notre priorité numéro un » – Sébastien Soriano
- Réseaux d’initiative publique : l’appel aux opérateurs
- Internet par les réseaux radio en attendant la fibre optique ?
- Très haut-débit : le RIP alsacien est financé à 64% par le privé
- L’entretien des réseaux de téléphonie en sous-investissement chronique
- Comment accompagner le « Cuivrexit » et passer à la fibre optique ?
- Plan France Très Haut Débit : Numéricâble-SFR chamboule la zone d’initiative privée
- Zones blanches : ces territoires encore éloignés du « vrai » haut débit fixe
- Le Plan France Très Haut Débit, un colosse aux pieds d’argile
- En Eure-et-Loir, le Lab28 veut optimiser l’utilisation de la fibre optique
- Les sénateurs plaident pour la rentabilité des réseaux d’initiative publique
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