Chaque samedi depuis le 17 novembre 2018, la France vit au rythme des « actes des “gilets jaunes” ». Pas un week-end sans que les chaînes d’information en continu ne portent à voir des images d’affrontements violents, dorénavant redoublées par une controverse sur l’utilisation des armes non létales par les forces de l’ordre.
Ces images (et leurs commentaires) renvoient à un débat de fond, plus technique, mais essentiel, concernant le respect de la sécurité publique : celui de la formation des agents aux matériels, techniques et contextes d’intervention et de neutralisation.
« Continuum de sécurité »
En septembre 2018, deux parlementaires se proposaient, dans un rapport, de refonder les politiques locales de sécurité en élaborant un « continuum de sécurité ». Si l’on peut adhérer à certaines préconisations du rapport « Thourot-Fauvergue », en termes de rationalisation et de modernisation des équipements et moyens d’action, l’actualité laissera plus circonspect sur trois questions.
— Que fait-on des « lois municipales » et de trente-cinq ans de décentralisation et de valorisation des maires dans les politiques de sécurité ?
— Face à des menaces renouvelées (terrorisme et contestation sociale violente) appelant des réponses contextualisées, la prévention de la délinquance ne risque-t-elle pas de rester définitivement le parent pauvre (et jamais évalué) de ces politiques ?
— L’hybridation de la formation des policiers municipaux et la reprise en main du partenariat par l’Etat, proposées par le rapport « Thourot-Fauvergue », ne sont-elles pas les premiers pas « feutrés » vers la mise en place d’une police territoriale reformatée aux canons de la sûreté urbaine, initiant, à terme, une séparation des missions : le maintien de l’ordre et le « judiciaire » à l’Etat, la « voie publique » aux territoires ?
Vision parcellaire de la sécurité locale
En creux, ce rapport renvoie à une vision parcellaire de la sécurité locale, tendant à confirmer un processus de recentralisation que l’on ne saurait objectiver autrement que par les effets de la révision générale des politiques publiques dans les rangs de l’Etat. Les références à des concepts et un « techno-langage », sous le vernis d’une approche « prospective », ne masquent que trop peu un étayage conceptuel et méthodologique à l’avenant.
Les faits, têtus, en ces temps de frissons et d’émeutes, conduisent à émettre une disruption dans le continuum. Qui est le mieux formé ? Le policier national qui reçoit une attestation à utiliser un LBD 40 après une demi-journée d’(in)formation et qui s’en servira régulièrement sans forcément le maîtriser techniquement ? Ou le policier municipal qui, à l’occasion d’une formation préalable à l’armement de plusieurs jours, devra réussir un module juridique éliminatoire, puis une évaluation comportementale et technique, sans avoir forcément — dans bien des communes et des missions — l’occasion de l’utiliser ?
Avant, donc, de reformuler les référentiels pédagogiques et de remettre en question la réorganisation territoriale de la formation initiale par le CNFPT (certes à améliorer), peut-être serait-il opportun d’avoir une réelle connaissance de la diversité des savoirs, capacités et métiers des policiers municipaux ? Par chance, de nombreux élus, techniciens, administrés, mais aussi universitaires, peuvent apporter une expertise citoyenne et fondée sur le sujet. Mais c’est — encore — un autre débat.
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