Le logement ne fait pas partie des quatre grands thèmes mis en discussion dans le cadre du Grand débat national. Pourtant, les signes annonciateurs d’une nouvelle crise sont là. L’union Sociale pour l’Habitat (USH), la Fondation Abbé Pierre, la Fédération française du bâtiment (FFB), France urbaine, l’Association des maires de France (AMF), et l’Assemblée des communautés de France (ADCF) étaient réunies à la même tribune, le 20 février, pour exprimer leurs inquiétudes.
« Nous sommes préoccupés par la chute de la construction du logement social et du logement libre, alors qu’on compte actuellement plus de deux millions de demandeurs de logements sociaux. Cette baisse annoncée va se traduire par moins d’emplois non délocalisables, le milieu urbain comme la ruralité sont touchés », a résumé en ouverture de la réunion Jean-Louis Dumont, le président de l’Union sociale pour l’habitat.
Les chiffres de la construction pour 2018 sont en effet en baisse : les mises en chantier et les demandes de permis de construire sont globalement en diminution de 7% en 2018. Les ventes en neuf ont chuté de 11% dans l’individuel diffus, et les mises en vente ont chuté de 4% pour la promotion immobilière.
La RLS en accusation
Pour les acteurs présents, ces chiffres sont les premières conséquences de la mise en place du mécanisme de la réduction du loyer de solidarité (RLS), destiné à compenser la baisse des aides personnelles au logement, mais aussi du rabotage du prêt à taux zéro, exclu des zones B2 et C, et de la suppression de l’APL accession. « Si rien n’est fait, on va vers une nouvelle crise du secteur. Nous refusons de nous résoudre à une telle éventualité, alors que les besoins sont là. Il faut rappeler que le logement génère 74 milliards de recettes, sous forme de taxes et d’impôts », a enchaîné Jacques Chanut, le président de la FFB.
Dominique Hoorens, directeur des études de l’Union sociale pour l’habitat, a rappelé quelques chiffres : au total sur la période 2018-2020, l’addition à la charge des bailleurs sociaux s’élève à 6 milliards d’euros : 3,2 milliards au titre de la réduction du loyer de solidarité, 1,6 milliards pour la hausse du taux de TVA de 5,5% à 10%, 500 millions de non perçu au titre du gel des loyers, 300 millions pour la cotisation supplémentaire pour le financement du NPNRU, 300 millions pour la cotisation supplémentaire au fonds national des aides à la pierre.
Selon une étude de la Caisse des dépôts et consignations parue cet automne, à terme, la production de logements sociaux pourrait baisser à environ 65 000 logements sociaux, contre plus de 100 000 actuellement.
François Baroin, président de l’AMF, a quant à lui insisté sur la problématique des garanties d’emprunt apportées par les collectivités territoriales aux bailleurs sociaux pour leurs projets de construction. : « Les collectivités travaillent main dans la main avec les bailleurs sociaux depuis des années, ils sont les garants de la mixité sociale sur les territoires. Depuis quelques mois nous avons des demandes d’allongement de la durée des garanties d’emprunt des bailleurs sociaux, liées à la renégociation de leur dette avec la Caisse des dépôts. La notation des collectivités auprès des banques risque de se dégrader avec ces allongements, ce qui signifierait pour elles de moins bonnes conditions d’emprunt. De plus, nous ne pouvons plus répondre à ces demandes de garantie supplémentaire. »
Discussions stériles
L’Union sociale pour l’habitat est actuellement en discussion avec le ministère de la Cohésion des territoires, dans le cadre d’une clause de revoyure pour évaluer l’impact de la réforme des APL, mais les discussions sont pour le moment dans l’impasse, alors qu’à partir de 2021 s’annonce le doublement de la RLS de 800 à 1,6 milliard d’euros par an. L’Union sera reçue par le Premier ministre le 22 février, et une prochaine réunion est prévue le 15 mars avec le ministre du Logement, Julien Denormandie.
Chaque acteur présent a des revendications propres, mais dans l’immédiat tous proposent au Gouvernement un « pacte pour la construction ». « Il ne faut pas aller vers une deuxième vague de prélèvements sur les organismes HLM, met en garde Christophe Robert, le délégué général de la Fondation Abbé Pierre. Par ailleurs le gouvernement devrait beaucoup plus soutenir les maires bâtisseurs, les acteurs de bonne volonté, qu’ils interviennent sur le secteur du logement privé ou social. »
Une plateforme de propositions communes devrait être présentée d’ici deux semaines. En attendant, Marcel Rougemont, le président de la Fédération des offices publics de l’habitat, résume le sentiment général : « Le gouvernement a une lecture du logement strictement budgétaire. Nous lui demandons d’avoir une vraie politique, nous voulons qu’il nous fixe des objectifs, et nous mobiliser pour la production ».
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