Un horodateur, c’est 1 200 euros ; une poubelle, 200. Et depuis le début des manifestations, ils sont nombreux à avoir été endommagés. Avec « 20 à 30 millions d’euros » de dégradations avancés par France urbaine, les élus additionnent avec effroi le coût pour leur propre collectivité. Car, samedi après samedi, ils supportent des dégradations souvent sévères et une mobilisation d’agents qui commence à pénaliser l’organisation des services et allonge le nombre des heures supplémentaires.
Pour l’association France urbaine, c’est trop. « Depuis 13 semaines les commerçants et habitants des grandes villes sont pris en otage par des casseurs en marge des manifestations des ‘gilets jaunes’. L’impact sur les contribuables locaux […] et sur les commerces […] se chiffre en millions d’euros dans nombre de grandes villes (Paris, Nantes, Rennes, Rouen, Bordeaux, Toulouse, Lyon, Saint-Etienne, Dijon…). »
Présidé par Jean-Luc Moudenc, maire de Toulouse et président de Toulouse Métropole, le conseil d’administration de France urbaine sollicite donc du Premier ministre « une rencontre avec le ministre de l’Économie et des finances, Bruno Le Maire et la ministre de la Cohésion des territoires et des relations avec les collectivité territoriales, Jacqueline Gourault, afin de définir les modalités d’indemnisation et d’accompagnement au nom de la solidarité nationale ».
Mardi 12 février, Bruno La Maire a fait savoir qu’il recevrait les représentants de France Urbaine et de l’AMF à Bercy.
Je recevrai demain à 8h15 à Bercy les élus de l’association @France_urbaine et de @l_amf au sujet de l’impact économique des manifestations des #GiletsJaunes sur les habitants, artisans et commerçants
— Bruno Le Maire (@BrunoLeMaire) 12 février 2019
50 agents mobilisés durant une semaine
Sur le terrain, en effet, les calculettes flambent. Lorsque Bourges s’est profilée comme capitale d’un rassemblement national, le 12 janvier, le maire, Pascal Blanc, a surdimensionné les mesures appliquées aux samedis de manifestation classique.
« Une cinquantaine de personnes ont été mobilisées durant cinq jours pour retirer les horodateurs, les bancs et tout le mobilier urbain devant être protégé ou pouvant servir de projectile. » Et dès le samedi soir et le dimanche, une trentaine d’agents ont travaillé « à rendre la ville propre pour le lundi. » Une facture « de plus de 100 000 euros » pour le matériel dégradé et le coût du travail.
Plus d’un million d’euros à Métropole Rouen Normandie
À Métropole Rouen Normandie, la facture atteint déjà « plus d’un million d’euros », selon l’entourage du président. Car aux dégâts sur le mobilier urbain, s’ajoute la dégradation de voies sur le chantier de bus à haut niveau de service. Si ce dernier n’accuse pas encore de retard, la marge devient étroite pour un équipement devant être mis en service le 25 mai.
Chaque vendredi, les entreprises retirent les matériaux et pavés pouvant servir de projectile, les habitants sont invités à rentrer leurs poubelles pour éviter qu’elles ne soient brûlées. Les agents veillent à ce que toutes les précautions soient prises et « au moins 100 personnes » sont ainsi mobilisées avant les rassemblements, puis le lendemain pour la remise en ordre. Le samedi, une équipe d’encadrement est d’astreinte sur le terrain.
Une mobilisation du personnel induit une accumulation d’heures supplémentaires et nécessite une réorganisation des plannings. Au sein de la métropole, les villes ont été plus ou moins affectées. Si l’enlèvement des trois tonnes de déchets sur les huit ronds-points de Tourville-la-Rivière a été intégré dans l’ardoise de 1 million d’euros, le vol ou la destruction des célèbres vaches de Saint-Étienne-du-Rouvray reste à la charge de la municipalité.
300 000 € pour le tramway de Caen
Alors que Bordeaux évalue à près de 130 000 € la suppression des tags confié à un prestataire extérieur, comme le révèle Sud-Ouest, le nettoyage de Bordeaux Métropole mobilise, chaque dimanche, une brigade passée de deux à quatre agents, dès la troisième manifestation. Ils s’affairent à recouvrir les graffiti, en sachant qu’ils devront recommencer une semaine plus tard.
À Caen Métropole, les dégâts sont estimés à 300 000 € sur le seul chantier du futur tramway, en deux week-ends seulement. Outre les barrières, bordures, fourreaux ou engins de chantier dégradés ou brûlés, le chantier a dû être réorganisé.
À Bourg-en-Bresse aussi, l’ardoise a grimpé en peu de temps, et le seul premier samedi de décembre a coûté 10 000 € à la collectivité, en matériaux volés, horodateurs détruits et voirie dégradée. Un tronçon de rue en travaux a même dû être refait.
3 800 heures d’agents et un rallye détourné
À son tour, Valence a frémi en apprenant qu’elle serait le point névralgique du 2 février. La facture des dégâts est estimée entre 150 000 et 200 000 euros, mais la capitale de la Drôme avait bien anticipé en démontant 27 tonnes de grilles au pied des arbres, de chaises en béton et de mobilier urbain. « Et il fallu tout remettre ensuite », précise l’entourage du maire. 1 800 heures de travail des agents avant la manifestation et 2 000 heures de remise en place, et 315 heures pour l’équipe de prévention des risques pour le jour J.
« Plus de 100 personnes ont été mobilisées » et si la ville n’a pas subi de trop gros dégâts malgré la présence de casseurs, elle a dû dévier l’arrivée du 22ème Rallye de Monte-Carlo hors centre-ville.
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