«Ça n’a pas de sens… » Quel manager ne s’est jamais vu opposer cette réponse alors qu’il passait des consignes à un collaborateur ? Si les agents territoriaux ont toujours le service public chevillé au corps, ils sont nombreux à avoir perdu foi en ce qu’ils font au quotidien, à ne plus vraiment comprendre en quoi leur travail contribue à la mission de service public qui leur est confiée, à s’interroger sur ce qu’ils apportent aux usagers. Usagers qui constituent leur « carburant », à en croire l’étude sur le sens de l’action publique locale menée par le sociologue Jérôme Grolleau (1). « C’est le déséquilibre entre la baisse des moyens et le niveau de service attendu qui met à mal le sens », estime Jérôme Tourne, directeur des ressources humaines du pôle territorial sud de Bordeaux métropole chargé des ressources humaines de la ville de Pessac (1 150 agents, 61 800 hab., Gironde).
Pour Laurence Rosazza-Riz, chargée de la qualité des relations professionnelles à la ville et à la métropole de Bordeaux (28 communes, 9 000 agents, 750 000 hab.), le problème vient de « la parcellisation des tâches ». Ce que le sociologue Georges Friedmann appelle le « travail en miettes ». « Le sens est aussi relié à l’appartenance à une collectivité et à la proximité avec les décisionnaires », poursuit Laurence Rosazza-Riz. D’où la perte de sens observée chez de nombreux agents suite aux fusions et mutualisations. Les réorganisations, la dégradation du lien à l’usager, l’urgence et le rapport au temps, les injonctions paradoxales, la qualité empêchée, l’atteinte du collectif, la multiplication des procédures, le manque de reconnaissance… tous ces facteurs ont un impact sur la capacité à octroyer un sens à son travail. Ce qui signifie aussi qu’il est possible d’agir sur ces facteurs pour changer la donne. Démarche d’autant plus urgente à engager que le sens peut être une formidable source de motivation, mais aussi avoir des effets néfastes sur la santé.
A lire
« Donner un sens au travail, promouvoir le bien-être psychologique », rapport de recherche, Estelle Morin et Charles Gagné, Institut de recherche Robert-Sauvé en santé et en sécurité du travail, Montréal, Canada, 2009. Disponible sur goo.gl/CWJEkX
« La perte de sens traduit parfois de l’inquiétude mais peut également cacher une réelle souffrance. Il ne faut pas la laisser s’installer », prévient Pierrick Lozé, directeur général des services de la communauté d’agglomération du Mont-Saint-Michel – Normandie (97 communes, 450 agents, 88 100 hab., Manche), issue de la fusion de cinq communautés de communes.
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