« Ça coutera entre 8 et 10 milliards d’euros ». C’était le chiffrage lancé par Olivier Dussopt du train de mesures annoncées en décembre pour relancer le pouvoir d’achat des populations à faible revenu derrière l’étendard jaune fluo.
L’Etat a donc un besoin de financement supplémentaire. La solution simple de revenir à la réforme de la taxe d’habitation telle qu’elle était envisagée au départ s’est esquissée puis elle a été balayée à nouveau. Le programme présidentiel prévoyait une exonération pour 80 % des contribuables. Depuis lors, le dispositif a été élargi à tous dans un horizon 2021. Le coût de cette mesure se situe également aussi à 10 milliards d’euros.
Supprimer la taxe d’habitation, mais garder la contribution locale des 20 % les plus aisés
Le secteur communal en bout de chaine de la réforme récupèrera sans doute des impôts de l’échelon départemental. Le solde à financer atterrira quoiqu’il en soit sur des collectivités locales qui attendent plus de levier fiscal que de compensation. Alléger le coût de la réforme de la taxe d’habitation pourrait in fine intéresser tout le monde.
Si on supprime la taxe d’habitation pour les deux derniers déciles, pourquoi ne pas chercher à la compenser par de nouveaux impôts. De plus, la suppression de la taxe d’habitation nécessite des transferts de fonds nouveaux de l’Etat vers les collectivités.
Laisser s’échapper de la fiscalité locale ceux qui n’ont plus les moyens de payer, pourquoi pas. Garder un lien fiscal fort avec les autres, les collectivités prendraient bien. Si on offre la taxe d’habitation aux 20 % de contribuables aisés, on pourrait leur imposer un nouvel impôt…
Le rapport Richard Bur avait ouvert la voie avec la question des résidences secondaires. Plutôt que de priver d’impôt ceux qui ont deux logements, le premier offert, le second surtaxé. Avec les milliards à trouver, pourquoi ne pas généraliser le système. Faisons disparaître la taxe d’habitation mais en maintenant les contributions des hauts revenus.
Une surtaxe foncière intercommunale adossée au revenu des propriétaires… jusqu’à l’ISFI local
Au départ, il y aurait la taxe foncière de base sur le bâti ou le non bâti, une part principalement communale, secondairement intercommunale.
Dans la mécanique complexes à intervenir, la part de taxe d’habitation pourrait se compenser par une surtaxe foncière en fonction des revenus. Le secteur intercommunal bénéficierait alors d’un nouvel impôt progressif modulable.
Ce nouvel impôt foncier en fonction des revenus limiterait aussi les déséquilibres territoriaux compte tenu d’une nouvelle échelle où la concurrence fiscale resterait limitée. Cette mesure rétablirait aussi une forme d’équité. L’impôt local s’avère surtout injuste pour ceux dont la mobilité territoriale est subie. Pour les 20 % qui subiraient le transfert de cet impôt, l’iniquité intra-territoriale deviendrait plus limitée.
Ceux qui restent dans les villes centre bénéficieraient plutôt du système contrairement à ceux qui promeuvent volontairement l’étalement urbain au profit du péri-urbain qui n’occupe pas les ronds-points…
Pour aller au bout d’une part péréquée en fonction du revenu, l’Etat pourrait également transférer au pouvoir local ce qui reste d’impôt sur la fortune… la fortune immobilière ne se traduit-elle par une surtaxe sur le foncier. Dans ce cas, à l’échelle intercommunale de considérer ce que les populations aisées doivent au territoire dans ce nouvel impôt progressif et il reviendra alors aux citoyens d’exprimer par leur vote local les options souhaitées pour leur territoire.
Un vieux professeur de finances publiques disait « en matière fiscale, l’imagination est au pouvoir », pourquoi ne pas profiter des mouvements fiscaux pour mettre l’adage au service des libertés locales.
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Grand débat sur la réforme de la fiscalité locale 2019
Sommaire du dossier
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