Le mouvement des « gilets jaunes » est parti d’une réaction d’hostilité à la hausse de la fiscalité carbone. Que vous inspire ce phénomène ?
Cela démontre que la transition écologique ne se fera que si elle est suffisamment accompagnée. L’Etat doit se mettre au diapason de cette réalité. Mais il faut maintenir la taxe carbone, en revenant à sa trajectoire initiale (qui a été définie par la loi de transition énergétique de 2015, puis réévaluée à la hausse dans la loi de finances pour 2018, ndlr), et en installant dans le débat public un élément important : plus on tardera à agir, plus ça coûtera cher. Je note également que les « gilets jaunes » n’ont pas cherché à opposer transition écologique et malaise social, tout du moins dans la première phase de ce mouvement. De toute façon, même si cette transition avait été rejetée, il faudrait la mettre en œuvre. Ce n’est pas une option.
Justement, cette politique écologique est en partie au point mort actuellement. Comment la relancer ?
Le redémarrage se fera par les territoires. Lors de mes déplacements, je sens que tout le monde veut s’engager et que, à leur échelle, les élus se rendent compte de cette nécessité. Pour les inciter à aller plus loin, la transition écologique mériterait peut-être un traitement différencié par rapport au dispositif de contractualisation entre l’Etat et les collectivités (qui limite à 1,2 % par an l’évolution de leurs dépenses de fonctionnement, ndlr), en sortant l’animation pour la transition écologique de ce cadre. Afin de réaliser les investissements que l’Etat appelle de ses vœux, il faut des moyens humains, pour le travail d’animation, de prospection et de formation. Cette transition est un immense défi, bien plus compliqué que l’aménagement de la fibre, par exemple. C’est vrai pour les villes qui sont en retard mais aussi si l’on veut arriver à massifier la transition.
C’est d’ailleurs une demande des associations d’élus que leur refuse le gouvernement …
Nous sommes en effet devant un réel problème. Il pourrait être envisageable de considérer l’animation de l’investissement comme de l’investissement. C’est ce que j’observe, ainsi, à propos du service public de l’efficacité énergétique, avec des collectivités qui sont allantes et un Etat qui n’a plus les moyens de faire seul. Globalement, le frein ou l’accélérateur potentiel réside dans la capacité à mettre des hommes sur le terrain. Il ne faut pas se voiler la face.
Et l’Etat réduit dans le même temps sa présence dans les territoires …
L’Etat ne peut pas tout faire, d’autant qu’il est prévu de diminuer les effectifs publics de 120 000 fonctionnaires, et qu’il a des missions régaliennes à assurer. L’Ademe peut prendre sa part, en faisant un effort d’animation territoriale avec les directions départementales des territoires (DDT), mais cela ne suffira pas. L’Ademe n’a pas les moyens d’être partout, ni d’aller à la maille départementale. Certains préfets de département rêveraient de nous représenter à l’échelle de leur territoire, mais ce n’est pas réaliste. Il faut donc poser le débat : que peuvent faire l’Etat et ses opérateurs en région ? Pour l’Ademe, c’est à la maille régionale que nous sommes le plus pertinent. En tant qu’opérateur de l’Etat – et non service de l’Etat, cette nuance sémantique n’étant pas anodine -, notre rôle est d’être un trait d’union entre l’Etat et les collectivités. De travailler avec elles, les former, les challenger. Je pousse d’ailleurs à la contractualisation avec les collectivités, qu’il s’agisse des régions, des métropoles, des EPCI, en leur mettant des objectifs, avec une carotte et un bâton.
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Gazette des Communes, Club Techni.Cités
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