En pleine crise des gilets jaunes, l’Observatoire de l’expérimentation et de l’innovation locales de la Fondation Jean-Jaurès a mis en ligne, le 19 décembre 2018, l’étude de Nicolas Duvoux et Pauline Mutuel. Pendant deux mois en 2016, les chercheurs ont enquêté auprès des travailleurs sociaux du conseil départemental de Seine-Saint-Denis. Ils en ont tiré 22 propositions pour améliorer les conditions de travail.
« L’étude de Nicolas Duvoux et Pauline Mutuel permet de prendre le temps de regarder le travail social en Seine-Saint-Denis, ses évolutions, ses failles et ses forces pour engager une réflexion renouvelée de l’action sociale », écrit en présentation le président (PS) de Seine-Saint-Denis, Stéphane Troussel.
Dans un contexte difficile de baisse des moyens dans les services, alors que le nombre de personnes à aider augmente, l’étude avait pour but « d’interroger le sens, les finalités, les difficultés et les leviers dont disposent les acteurs du travail social aujourd’hui », explique Nicolas Duvoux en introduction.
Nouvelles difficultés
La dématérialisation des procédures de nombreux partenaires des conseils départementaux (CAF, Assurance maladie, Pôle emploi…) pour un public peu au fait des nouvelles technologies demande par exemple un nouveau travail de médiation administrative et numérique.
Les chercheurs ont également noté un cercle vicieux : les travailleurs sociaux, submergés par les situations d’urgence, ne peuvent plus faire de prévention auprès de publics fragiles. Mais les fragilités, non traités à la base, se transforment alors parfois en urgence…
Le système D et les « bidouillages » sont également souvent la norme pour faire face à la baisse des moyens, « mais ils sont perçus comme un travail supplémentaire, contraignant, coûteux en temps et susceptible de provoquer in fine de l’usure professionnelle », note le rapport.
Préconisations
Les sociologues ont donc fait des propositions au conseil départemental pour améliorer les conditions de travail des professionnels. « Ces préconisations sont de trois ordres : stratégique, opérationnel ainsi que relatif aux pratiques professionnelles des intervenants sociaux des circonscriptions de service social. »
La première préconisation générale n’est pas coûteuse : il s’agit d’afficher les orientations de la politique départementale d’action sociale et de les diffuser clairement auprès des services.
Mais au-delà des intentions, les moyens sont nécessaires. Les chercheurs soulignent l’importance de remplacer les postes vacant pour éviter les « nombreuses fermetures – que ce soit de l’accueil physique, téléphonique ou de l’ensemble du service – du fait du manque de personnel ». « Ce point est d’une importance tout à fait cruciale à nos yeux », écrivent les auteurs.
Les 22 propositions
- Adapter les moyens matériels et humains
- Mettre en œuvre un plan d’amélioration des conditions de travail des agents et des conditions d’accueil des usagers
- Mettre en œuvre un projet commun
- Établir un découpage « cohérent » du territoire
- Impulser institutionnellement le travail partenarial entre les trois services départementaux
- Intégrer d’autres professions sociales
- Affirmer le rôle du « central »
- Elaborer et mettre en œuvre une offre institutionnelle
- Interpeler les différents partenaires
- Atténuer les dysfonctionnements de réseau afin de ne pas perturber la prise en charge de l’usager et l’organisation des circonscriptions de service social
- Aider les professionnels à s’approprier les outils informatiques
- Favoriser les bourses d’études en travail social et le recrutement des étudiants en établissement de formation au sein des services de polyvalence de secteur (le « site qualifiant »)
- Proposer des formations qualifiantes sur les différents domaines
- Proposer des formations à l’intervention collective
- Mettre en place des cycles de formation réguliers à destination des agents recevant la population à l’accueil
- Raccourcir les délais de traitement
- Encourager la participation
- Organiser le travail au niveau local à travers la clarification et la répartition des tâches
- Associer les encadrants des circonscriptions de service social au recrutement des membres de leurs équipes
- Mettre en place un message vocal
- Impliquer davantage les professionnels à l’élaboration des projets
- Favoriser les temps et les échanges informels
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