« Inaboutie » à Toulouse, puis « mieux maitrisée » à Nice et Lyon, la privatisation des trois aéroports étudiée par la Cour des comptes dans un rapport rendu public le 13 novembre met au jour « les imperfections » des opérations engagées par l’Etat. Le cadre de l’ouverture du capital de la plateforme toulousaine en 2014 fait ainsi l’objet de critiques liées notamment aux critères de recevabilité de l’appel d’offres jugés « insuffisants » : ainsi le futur gestionnaire toulousain n’avait pas à prouver son expérience dans le domaine aéroportuaire, et le prix proposé par les exploitants était prééminent dans le choix de l’opérateur par l’Etat, « au détriment d’autres intérêts ».
En outre, l’Agence des participations de l’Etat (APE), en charge de la procédure, « n’a pas suffisamment associé les acteurs locaux et les administrations de l’Etat ». En marge de la procédure, la structure financière du consortium retenu comme sa gouvernance ont manqué de « transparence ».
Quid des sanctions ?
Un cadre corrigé par la loi dès 2015, en amont de l’ouverture du capital des aéroports de Nice et de Lyon l’année suivante. Le cahier des charges prévoit notamment « de garantir le développement de l’aérodrome, en concertation avec les collectivités territoriales sur le territoire desquelles il est installé ainsi qu’avec les collectivités territoriales actionnaires ». La Cour retient que « la concertation avec les acteurs locaux a été bien menée » et que « le choix des acquéreurs a finalement satisfait les acteurs locaux », tant à Lyon qu’à Nice, où « la gouvernance des deux sociétés aéroportuaires apparaît maintenant sereine ».
Les procédures de privatisation pourraient toutefois être fiabilisées « pour englober les intérêts du transport aérien et ceux des territoires concernés en matière d’attractivité économique et touristique ». Les magistrats proposent que les engagements souscrits par les candidats soient formalisés et leur non-respect assorti de sanctions. L’APE pourrait « prendre en compte la qualité des projets industriels et leur impact sur les territoires » en s’appuyant notamment sur « l’expertise technique de la Direction générale de l’aviation civile ».
La cour prend ainsi acte du rôle accru joué par les aéroports dans les politiques économiques locales. Ils bénéficient de « stratégies autonomes, définies et portées par leurs instances de gouvernance pour mieux servir les spécificités des territoires et jouer leur propre jeu dans le cadre d’une concurrence croissante » entre aéroports régionaux.
Le spectre du conflit d’intérêt
Le rapport fait également état d’une forme de défiance des autorités locales envers les acteurs nationaux du transport aérien : « nombre d’acteurs locaux soupçonnent encore ce qu’ils qualifient de collusion entre la DGAC, ADP et Air France, au détriment de leurs intérêts et du développement de leurs plateformes ».
Des droits de trafic à la gestion des créneaux horaires de décollage et d’atterrissage sur Orly et Roissy en passant par la préférence donnée à des partenaires ou filiales d’Air France par rapport à d’autres compagnies, « les relations entre les aéroports et leurs actionnaires ont été exacerbées durant les procédures de privatisation ».
Malgré les difficultés de procédures puis la gouvernance problématique décrite à Toulouse, les résultats de l’aéroport sont jugés « satisfaisants », comme d’ailleurs à Nice et Lyon. Portés par une croissance internationale ininterrompue du trafic aérien, ils sont également stimulés par la généralisation du trafic international depuis les bases de province. Les aéroports de Paris devraient être les prochains concernés par une ouverture de leur capital. D’autres en province s’y préparent.
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