Quel rôle les bibliothèques peuvent-elles jouer en matière d’inclusion numérique ? Dans le cadre de son plan pour les bibliothèques, élaboré au printemps dernier, le ministère de la Culture les encourage à s’impliquer dans cette mission. Quant à l’Agence du numérique, elle identifie les équipements de lecture publique comme un des lieux porteurs de la Stratégie nationale pour un numérique inclusif.
Cependant leur rôle dans cette stratégie reste à préciser. Les professionnels de la lecture publique divergent sur le niveau d’engagement et la nature des actions qui leur incombent. Le point sur le débat avec Malik Diallo, président de l’Association des directeurs de bibliothèques municipales et d’intercommunalités (ADBGV).
Comment les bibliothécaires abordent-ils la problématique de l’inclusion numérique ?
Nous avons conscience qu’il s’agit d’une urgence : l’Agence du numérique parle de 13 millions de personnes en situation d’exclusion !
Nous avons aussi repéré des situations différentes selon les profils des usagers : il y a notamment ceux qui ont besoin d’une acculturation progressive, ceux qui recherchent un accompagnement pour les démarches administratives, ceux qui souhaitent accéder à nos ressources culturelles mais maîtrisent mal les outils numériques, etc. Il faut donc prévoir des réponses différenciées.
Quels sont les points d’interrogation ?
La première question qui se pose à nous est « jusqu’où aller ? ». C’est le titre que nous avions donné à la journée d’études organisée le 9 octobre à Grenoble.
Ce débat renvoie vers une autre question : une bibliothèque doit-elle tout faire seule ? Les bibliothèques peuvent très bien constituer une sorte de « hub » orientant les usagers vers les services compétents. Dans ce cas, il s’agit de faire de la mise en relation. Sur ce point, il n’y a pas de débat dans la profession.
Certaines bibliothèques vont plus loin en optant pour la mise en place de partenariats avec des services publics ou associations compétentes. Par exemple, la bibliothèque peut envisager de faire venir sur place des agents des impôts pour les déclarations de revenus en ligne, ou des représentants de Pôle Emploi. Ce genre de services sert d’ailleurs aussi aux usagers autonomes en matière de numérique. Dans ce cas-là, les bibliothécaires font de la coordination. Là encore, la profession est partante pour jouer ce rôle.
Nous avons vu aussi que certaines bibliothèques avaient commencé à aller sur le terrain de l’accompagnement des usagers pour les démarches en ligne. Ce cas de figure soulève notamment la question de la responsabilité juridique des bibliothécaires qui « font à la place de ». Certains professionnels estiment que ce n’est pas de notre ressort.
Cependant, sur certains territoires, ce choix peut s’imposer. Par exemple, quand il n’y a à proximité aucun service public proposant cette aide. Dans ce cas-là, les bibliothécaires se disent que la proposer dans leur équipement a du sens.
Pour chaque mode d’intervention, il faut donc toujours prendre en compte le contexte territorial.
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Qu’en est-il du recrutement de médiateurs numériques ?
C’est une option. Mais nous sommes dans un contexte budgétaire restreint. En tout état de cause, la journée de Grenoble a montré qu’on peut envisager la formation des bibliothécaires pour qu’ils acquièrent tous des compétences numériques basiques leur permettant de proposer au public un premier niveau d’accompagnement.
Mais si on veut amplifier ce type de services, cela ne suffira pas, il faudra passer par des recrutements. Il ne faudra pas miser sur des contrats précaires, car l’inclusion numérique nécessite un travail de fond sur la durée.
Qu’attendez-vous de l’Agence du numérique ?
Nous attendons des réponses sur la sécurisation des bibliothécaires qui accompagnent les usagers dans leurs démarches. Autre sujet : la place du chèque « culture numérique » dans les actions de médiation proposées dans les bibliothèques.
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