Alors que la direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP) se pique d’améliorer les conditions d’emploi des agents contractuels et a présenté, le 19 septembre, ses « pistes de réflexions », les Rencontres Territoriales d’Ile-de-France consacraient le même jour un atelier au « pari d’une fonction publique contractuelle ».
Un besoin soutenu par les textes
Le vice-président de l’Association Nationale des Juristes Territoriaux, Philippe Jacquemoire, qui animait la séance, a montré que le droit, qu’il s’agisse de la loi de 1984, des décrets de 1988, de 2015 et de 2016 ou de décisions des juridictions administratives, formalisait peu à peu un cadre protecteur pour les contractuels embauchés par les collectivités.
D’autant, note celui qui est aussi directeur général des services de Fontenay-le-Fleury (Yvelines), que les collectivités sont parfois obligées de recourir à ce type de contrat. Et d’évoquer, outre la souplesse qu’il procure pour les emplois fonctionnels, postes à risques par définition, le besoin – et le manque – pour des métiers spécifiques, tels que le contrôleur de gestion, l’acheteur public, le community manager ou encore l’architecte réseaux informatiques.
Des craintes et des atouts
Dès lors, puisque les textes autorisent le recours à ces agents particuliers, pourquoi ne pas revendiquer un statut de l’agent contractuel ? Dans la salle, la proposition a ses adeptes et ses opposants….
Puisque les textes autorisent le recours à ces agents particuliers, pourquoi ne pas revendiquer un statut de l’agent contractuel
Les « afficionados » d’une fonction publique contractuelle soulignent la souplesse et la plus grande simplicité pour embaucher et la facilité pour licencier ; la mobilité offerte aux jeunes cadres.
Les « antis » trouvent anormal de former au sein du secteur public un personnel qui ira exploiter ses compétences dans le privé. Certains s’interrogent sur les raisons de l’incapacité à adapter les cadres d’emploi à l’évolution des métiers et aux besoins des collectivités. Les uns redoutent la disparition des savoir-faire propres aux collectivités, en citant l’exemple de la perte de compétences en matière de marchés publics.
D’aucuns s’enthousiasment du mélange des cultures entre le secteur public et le secteur privé, « source de richesses », quand il en interroge d’autres sur sa compatibilité avec les missions mêmes de service public.
L’Italie fait marche arrière
Le débat semble sous-tendu par une fracture quasi-idéologique entre ceux qui défendent coûte-que-coûte le service public, sa permanence et sa continuité, et les partisans de sa privatisation, au moins partielle.
En Italie, les catégories B ont été supprimées et les emplois occupés par des agents locaux de catégorie C ont été transférés au secteur privé.
« L’exemple de l’Italie nous montre que la logique de privatisation n’est pas idéale », intervient un des participants, membre du Conseil scientifique de l’organisation internationale non gouvernementale Europa. Il explique que le mouvement anglo-saxon de privatisation suivi en Italie s’est traduit, à partir de 2014, par une transformation des cadres d’emploi. « En six mois !», s’exclame-t-il. Les catégories B ont été supprimées et les emplois occupés par des agents locaux de catégorie C ont été transférés au secteur privé. Seules les catégories A et A+ subsistaient. « Les entreprises privées ont cassé les prix pour remporter les premiers marchés, mais lors de leur renouvellement, il est apparu que le service rendu était mal fait et plus cher. » L’Italie fait aujourd’hui marche arrière et recrée les cadres d’emploi.
Questions en suspens
Le débat laisse en suspens deux questions :la contractualisation ouvre-t-elle la porte à une fonction publique à deux vitesses ou à la privatisation des services publics ? Par ailleurs, une fonction publique contractuelle fragilisera-t-elle le statut des titulaires au point de les faire disparaître doucement mais sûrement, comme à la SNCF ?
Les contractuels dans la FPT
- 356 800 contractuels dans la FPT, soit 18,7% des effectifs de la territoriale
- 247 700 en catégorie C, dont 70,7% de femmes.
- 66,1 % des arrivées sous contrat pour des emplois permanents dans la FPT
- 35 % de CDI, 65 % de CDD
Source : La Gazette des communes