En ces temps où le pantouflage est vilipendé, le poids des lobbys fustigé et la pratique des allers et retours public-privé décriée, le Conseil d’Etat a le mérite de ne pas hurler avec la meute. Les faits, rien que les faits, doivent être examinés, semble rappeler le juge.
C’est inscrit dans le marbre. Au nombre des principes généraux du droit de la commande publique qui s’imposent au pouvoir adjudicateur, comme à toute autorité administrative, figure le principe d’impartialité, dont la méconnaissance est constitutive d’un manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence.
Doute sur l’impartialité de la procédure
En novembre 2017, le Siom de la vallée de Chevreuse lance une procédure d’appel d’offres ouvert, en vue de l’attribution d’un marché de la collecte des déchets ménagers et assimilés. Saisi par un candidat évincé, le juge des référés annule la procédure, émettant un doute sur l’impartialité de la procédure. Il relève que, pour l’accompagner dans la rédaction et la passation du marché litigieux, le Siom avait confié en avril 2017 une mission d’assistance à maîtrise d’ouvrage à une société. Mais, en décembre 2017, le chef de projet affecté par ladite société au projet du syndicat rejoint, préalablement à la remise des offres fixée en janvier 2018, une autre entreprise. Cette dernière est désignée attributaire d’un lot du marché. Le juge des référés, suspicieux, se fonde sur cette circonstance pour conclure à l’existence d’un doute sur l’impartialité de la procédure suivie par le syndicat.
Selon le Conseil d’Etat, en retenant cette existence d’un doute sur l’impartialité de l’acheteur public alors qu’il n’avait relevé aucun élément de nature à établir que son mandataire avait manqué d’impartialité dans l’établissement des documents de la consultation pendant la période où son chef de projet était son salarié, le juge des référés a inexactement qualifié les faits.
Présomption d’innocence
Car si les informations confidentielles que le chef de projet « aurait éventuellement pu obtenir » à l’occasion de sa mission d’assistant à maîtrise d’ouvrage pouvaient, « le cas échéant », conférer à son nouvel employeur un avantage illégal, cette circonstance est en elle-même insusceptible d’affecter l’impartialité de l’acheteur public. En d’autres termes, le juge des référés a commis une erreur en retenant un manquement à l’obligation d’impartialité de l’acheteur public du seul fait qu’il existait un risque que la société, attributaire du marché, ait pu obtenir des informations confidentielles à l’occasion de la participation de l’un de ses salariés à la mission d’assistance à la maîtrise d’ouvrage lorsque celui-ci travaillait antérieurement pour la société mandataire du syndicat.
Un peu comme si le juge administratif tenait à rappeler qu’il y a, en matière de marchés publics aussi, une présomption d’innocence. Une tolérance qui tranche nettement avec la suspicion naturelle du juge pénal.
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