Maire, une écharpe trop lourde à porter ? Peut-être bien à en juger les informations du Figaro. Le journal a calculé que 1 021 édiles ont démissionné depuis les dernières élections municipales en 2014. Un chiffre qui a presque doublé (+ 90 %) par rapport aux quatre premières années de la précédente mandature (2008-2012) et qui comptabilise seulement les démissions volontaires et non les départs suite à la mise en place du non-cumul des mandats. Un chiffre, aussi, qui ne représente qu’une toute petite fraction des 35 000 maires.
La vague a pris l’ampleur depuis l’accession d’Emmanuel Macron à l’Elysée. Depuis son arrivée au pouvoir en mai 2017, 386 premiers magistrats, principalement des élus de villages, ont posé leur démission sur le bureau du préfet.
Le mandat le plus difficile
La situation n’étonne pas Vanik Berberian, président de l’Association des maires ruraux de France. « Cela fait des mois qu’on explique aux pouvoirs publics qu’à force de tirer sur l’élastique, il va finir par se casser. »
Solitude du métier d’élu, raréfaction des deniers publics qui rend les arbitrages financiers du maire de plus en plus compliqués, suppression de la taxe d’habitation, diminution des contrats aidés, des indemnités souvent jugés trop faibles… Les raisons du ras-le-bol des maires sont bien identifiées. Couplée à l’image d’un président de la République souvent présenté comme coupé des territoires, la potion rendrait malade bien des élus.
« Etre maire pendant six ans – le mandat le plus long de la République- a toujours été difficile. Le phénomène des démissions n’est pas nouveau », relativise Luc Rouban, chercheur au Cevipof. « Mais c’est vrai qu’il y a une accélération ces derniers mois », remarque-t-il.
L’interco, première coupable
Pour Vanik Berberian, « la vraie goutte d’eau qui a fait déborder le vase ces derniers temps, c’est celle de la montée en puissance de l’intercommunalité qui est de plus en plus étouffante et qui empêche souvent les maires de s’exprimer ».
Et de citer l’exemple d’une maire de l’Aveyron qui met « en voiture une heure et demi aller, une heure et demi retour pour assister aux réunions de son intercommunalité. Evidemment, elle ne s’y rend plus » raconte l’ancien candidat du Modem aux régionales de 2010. « Les petits maires sont favorables à l’interco si elle est un outil au service des habitants. Si c’est pour remplacer les communes, c’est non » insiste le président de l’AMRF.
Bye bye la compétence eau
Deuxième raison qui explique l’accélération du phénomène : le vote début juillet par l’Assemblée nationale du transfert de la compétence eau-assainissement aux communautés d’agglomération. Un point qui peut paraître anecdotique mais qui a été très mal compris par bon nombre d’élus. Un communiqué de l’Association des maires de France a ainsi rappelé que « les communes sont les mieux placées » pour mettre en place cette compétence clef. « Apporter de l’eau aux habitants, c’était une grande fierté pour les maires » ont ainsi rappelé plusieurs maires au micro de France Info.
Si la mission de maire est également jugée de plus en plus difficile, c’est aussi que les exigences des citoyens ont fortement évolué. « Il y a beaucoup de personnes pauvres dans les villages. Là où la pauvreté se faisait plus silencieuse auparavant, les habitants attendent de plus en plus souvent du maire qu’il soit une sorte d’assistante sociale » détaille Luc Rouban.
Et en 2020 ?
Autre difficulté : alors que les fermetures des services publics dépendant directement de l’Etat se sont multipliées ces dernières années, c’est souvent vers le maire que se tournent les habitants. « Quand on ferme un commissariat et qu’il y a des agressions, on demande des comptes à l’édile alors qu’il n’est pas responsable du départ des policiers nationaux » continue le chercheur.
Autant de constats qui peuvent faire craindre le pire pour les prochaines élections municipales en 2020. « En 2014, il y a avait déjà beaucoup de maires qui voulaient décrocher. Mais bien souvent, ils ont cédé sous la pression des habitants et du conseil municipal. Mais je crains qu’en 2020, bon nombre d’entre eux disent stop définitivement » estime Vanik Berberian .
Luc Rouban, lui, juge peu probable la situation de communes sans candidat. Mais il alerte sur « la qualité » des impétrants. « Des candidats, oui il y en aura, mais il faut des gens qui vont vraiment d’être dévoués à l’intérêt général. Et là, ça risque de se compliquer. » Rendez-vous en 2020 pour juger si les inquiétudes sont fondées ou non.
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