Les départements cherchent à obtenir le maximum de ressources du gouvernement pour combler le reste à charge lié aux allocations individuelles de solidarité (AIS) et c’est normal. Ces dépenses, prises en charge localement, mais à vocation nationale, représentent une charge de 9 milliards d’euros pour les départements en 2018, mais ont pesé pour 75 % dans la croissance de leurs dépenses de fonctionnement entre 2011 et 2016, selon le rapport de la mission Richard-Bur sur le financement des AIS.
Elles fragilisent donc structurellement les finances départementales, au point que, même si une amélioration sur le front social se dessine du fait de la croissance économique retrouvée, un tiers des départements auraient une épargne brute inférieure à 8 % d’ici 2020, selon les projections faites par la Cour des comptes. Ils sont déjà une vingtaine dans ce cas aujourd’hui, mais étaient 13 il y a seulement deux ans. L’enjeu autour de la pérennisation de ces dépenses n’est donc pas mineur.
490 M€ très théoriques
Or, le jeu actuel auquel se livrent les protagonistes, gouvernement et départements, n’est pas à la hauteur de cet enjeu. L’ADF s’enorgueillit d’avoir convaincu les départements de participer à la péréquation des 490 millions d’euros que pourrait générer la hausse de 0,2 % du plafond du taux de DMTO. Ce chiffre est très théorique. En effet, seuls 68 % des membres présents à l’assemblée générale de l’ADF ont voté le principe de solidarité avec les départements les plus démunis.
On peut le comprendre : ce montant ne peut être atteint que si la cinquantaine de départements les plus pauvres concernés par le dispositif, selon l’ADF, augmente la pression fiscale sur une population déjà fragilisée. En d’autres termes, les pauvres s’aideraient entre eux. D’autre part, rien ne prouve que les exécutifs les plus favorisés voudront bien augmenter leur fiscalité locale – avec tous les risques politiques que cette action suppose – pour en faire bénéficier les habitants d’un autre département. A ce compte, les 490 M€ paraissent loin.
Oubliés, les 350 M€
Surtout, cette péréquation faite sur une ressource nouvelle remplacerait celle que les départements étaient pourtant prêts à faire il y a encore un mois : renforcer le dispositif existant, c’est-à-dire, prendre 350 millions d’euros supplémentaires aux départements les plus riches déjà contributeurs, mais aussi à d’autres qui deviendraient alors contributeurs. Ce scénario, qui montre bien que la richesse est toujours relative, aurait été beaucoup plus difficile à faire passer en assemblée générale alors qu’il avait les faveurs des départements les plus démunis.
Ils n’ont pas été entendus, quand bien même une bonne part de leurs homologues ont encore des marges de manœuvre : selon le rapport Richard-Bur, 48 départements avaient en 2016 une épargne brute supérieure à 12 % et seront encore 28 à afficher au moins ce taux d’ici 2020. C’est dans ce vivier qu’on trouve aussi les départements en capacité « naturelle » de remplir les objectifs de la contractualisation.
Ce refus du renforcement du fonds de péréquation est d’autant plus dommageable que le gouvernement aurait finalement décidé de renoncer à la hausse du plafond des DMTO de 0,2 % et se retrouverait donc sans aide nouvelle pour financer les AIS, hormis les 250 millions d’euros d’aide d’urgence de l’Etat. En réduisant le renforcement de la solidarité horizontale au seul champ des DMTO supplémentaires issus du déplafonnement du taux, les départements montrent les limites de leur capacité à réduire les inégalités territoriales et pourraient ainsi pousser le gouvernement à recentraliser ces droits de mutation, comme le préconise la mission Richard-Bur, mais comme le rejette aussi avec la plus grande fermeté l’ADF.
Chantage indigne
De son côté, le gouvernement montre également ses failles. Conditionner le déplafonnement des DMTO à la conclusion des pactes financiers relève du chantage, difficilement conciliable avec une démarche de confiance et de dialogue comme l’exécutif national se plaît à qualifier la contractualisation. La résolution du financement des AIS est bien la clé de voûte d’une relation financière apaisée entre les collectivités et l’Etat. Sans elle, tout tombe.
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Les départements et l'Etat face au défi du RSA
Sommaire du dossier
- Ces départements qui ne veulent plus du RSA
- La Cour des comptes pointe les faiblesses du RSA
- L’expérimentation de la recentralisation du RSA : une équation à plusieurs inconnues
- Le RSA fait vaciller les finances départementales
- Financement des AIS : à quand une solution ?
- Recentralisation du RSA : Manuel Valls regrette le refus de l’ADF
- Dépenses sociales : le détail du reste à charge par département
- Les départements se prononcent contre la recentralisation du RSA
- Dépenses de RSA : la double peine pour les départements pauvres
- RSA : les départements s’accordent a minima sur leur stratégie
- Financement du RSA : la recentralisation dès 2017 se précise
- Les départements face à des choix cornéliens
- « La question du RSA, c’est la question de l’emploi ! »
- Financement du RSA : négociations rompues entre Etat et départements
- Financement du RSA : bras de fer entre l’Etat et les départements
- Explosion des dépenses pour financer le RSA : les départements inégalement impactés
- L’aide d’urgence aux départements sera intégrée au PLFR 2015
- Départements : la recentralisation du RSA renvoyée au printemps 2016
- Le coût du RSA, cause d’accroissement des inégalités entre départements
- Financement du RSA : l’Etat et les départements réactivent le groupe de travail
- Les départements refusent de signer les contrats Etat-collectivités