Un vent d’optimisme pour la fonction publique territoriale a finalement soufflé sur le congrès 2018 de la Fédération des centres de gestion (6-8 juin, La Baule). La manifestation avait pourtant débuté dans la grisaille. Mais au fil des trois jours, le temps s’est dégagé sur la cité balnéaire, mais aussi pour la Territoriale.
C’est par la voix de l’ancien ministre de la fonction publique et des réformes administratives entre 1981 et 1984, le « père du statut », que l’éclaircie est apparue : Anicet Le Pors, aujourd’hui âgé de 87 ans, a médusé l’assistance avec sa brillante introduction d’une demi-heure, sans notes.
Des attaques « plus ou moins franches » contre le statut
« Le statut doit évoluer », a-t-il débuté. Mais les choix faits dans les lois de 1983 et 1984 sur la fonction publique restent « pertinents » car « c’est à ces principes et ce cadre juridique que l’on doit la stabilité de la fonction publique depuis 35 ans. Malgré les offensives brutales et les transformations souterraines » à l’œuvre. 225 modifications législatives et réglementaires sont intervenues pendant cette période. La fonction publique territoriale, la plus touchée avec 84 évolutions, « a su résister à ces attaques plus ou moins franches », a-t-il fait remarquer.
De fait, aucun des participants à la table-ronde (1) ne croit à un grand soir de la fonction publique.
Le gouvernement a assuré que le statut ne serait pas supprimé. Toute la question réside dans les conséquences auxquelles pourrait conduire « les contournements » envisagés (comme le recours élargi aux contractuels), pour Anicet Le Pors.
Etat et Territoriale dans le même sac
Un sentiment partagé par les intervenants de la table-ronde qui ont déploré les confusions dans les discours entre fonction publique d’Etat et fonction publique territoriale. Les quatre chantiers pour « refondre le contrat social avec les agents publics », lancés par Edouard Philippe le 1er février [instances représentatives du dialogue social, recours au contrat, rémunération au mérite, transitions professionnelles et mobilité, ndlr] ont été pensés sous le prisme des problématiques propres à l’Etat, ont-ils critiqué. Et concernent peu la territoriale, qui emploie déjà 20% de contractuels, un dialogue social qui fonctionne à peu près, la rémunération au mérite déjà mis en œuvre dans bien des collectivités.
Selon eux, les améliorations auraient besoin d’être apportées davantage sur la gestion administrative des personnels, sur l’anticipation des départs en retraite (30% des effectifs d’ici 2030, selon le dernier panorama de l’emploi public territoriale des centres de gestion), l’attractivité de la territoriale, le maintien dans l’emploi…
Mais dans la réflexion gouvernementale, le contexte est-il si défavorable à la territoriale ? En 1983, le gouvernement avait le soutien des organisations syndicales et les élus étaient plutôt hostiles à la politique du gouvernement ; aujourd’hui, les élus ne sont peut-être pas convaincus, mais plutôt satisfaits, a malicieusement argumenté l’ancien ministre.
La contradiction entre unicité du cadre de la fonction publique et diversité des trois versants ne devrait pas non plus être un problème
La contradiction entre unicité du cadre de la fonction publique et diversité des trois versants ne devrait pas non plus être un problème : « c’est la vie, il n’y a pas lieu de s’en offusquer », a assuré le père du statut, soulignant au passage qu’il existait la même contradiction dans la Constitution entre l’article 1er (République indivisible) et 72 (sur les collectivités). « Le curseur [entre les deux] ne peut pas toujours rester au même endroit. Le risque, ce sont les extrêmes. Avec la seule unicité, la fonction publique territoriale se trouverait engloutie. S’il y avait une balkanisation de la fonction publique, la territoriale aurait beaucoup à perdre », a-il prévenu.
Anicet Le Pors voit dans le XXIème siècle un « âge d’or du service public »
Par ailleurs, la fonction publique territoriale offre aussi bien une perspective de carrières tout en permettant de changer de métiers. Et l’avenir est plutôt à l’expansion administrative prévoit Anicet Le Pors, qui voit dans le XXIème siècle un « âge d’or du service public ».
« Encore faut-il en convaincre les usagers, les élus et les fonctionnaires. Comme le général de Gaulle disait : vaste programme ». Les récentes enquêtes d’opinion ne semblent pas le démentir !
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Notes
Note 01 François Deluga, président du CNFPT, Loïc Cauret, vice-président de la FNCDG, Jean-Robert Massimi, directeur du CSFPT, Jean-Marie Le Guen, ancien secrétaire d’Etat chargé des relations avec le Parlement et Johan Theuret, président de l’Association des DRH des grandes collectivités Retour au texte