Rendus par le tribunal administratif de Nantes le 12 février 2018, les jugements « Xynthia » sont assurément relatifs à une affaire exceptionnelle, au regard de l’extrême gravité des conséquences de la tempête de février 2010, mais également au regard du nombre des responsabilités publiques ici engagées. Car, si le volet pénal de l’affaire a particulièrement marqué les esprits, ces jugements (qui s’inscrivent d’ailleurs dans le sillage de décisions similaires rendues par le tribunal administratif de Nantes en 2017) retiennent l’attention en raison de l’engagement de la responsabilité pour faute(s) de l’ensemble des acteurs publics en cause.
Cumul de responsabilités fautives
On se situe dans une configuration singulière de cumul de responsabilités fautives. Sont notamment retenues : la responsabilité de la commune de La Faute-sur-Mer, du fait de la délivrance de permis de construire en méconnaissance des impératifs de sécurité du code de l’urbanisme, mais aussi en raison de l’absence d’information de la population du risque d’inondation lié à la tempête ; la responsabilité fautive de l’Etat dans l’élaboration du plan de prévention des risques d’inondation ; et, s’agissant des fautes commises au titre des travaux à réaliser sur la digue est, la responsabilité à la fois de la commune (en qualité de maître de l’ouvrage public que constitue la digue en cause), de l’Association syndicale de la vallée du Lay (statutairement chargée des travaux de relèvement des digues) et de l’Etat (qui a commis une faute lourde dans l’exercice de ses pouvoirs de tutelle sur ladite association).
L’analyse du tribunal souligne ici la complexité juridique de la gestion des digues à la mer. Aucune cause exonératoire de responsabilité n’est retenue par le tribunal, ce qui doit être souligné ; en particulier, le cas de force majeure est écarté, Xynthia ne présentant « pas les caractères d’imprévisibilité et d’irrésistibilité lui conférant la nature d’un événement de force majeure ».
Au final, l’Etat, la commune de La Faute-sur-Mer et l’Association syndicale de la vallée du Lay sont déclarés responsables des dommages consécutifs à la tempête Xynthia et condamnés in solidum, le jeu des appels en garantie de l’Etat, de la commune et de l’association syndicale montrant ensuite la délicate détermination des parts de responsabilité respective.
Jurisprudence
Sous réserve, bien sûr, d’une éventuelle appréciation contraire des juridictions administratives supérieures, ces jugements sont tout à fait de nature à faire jurisprudence. La solidité juridique de leur motivation est indiscutable et ne peut que renforcer la vigilance des administrations compétentes dans le domaine des risques naturels côtiers, aujourd’hui dans le cadre de la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations. Ils doivent toutefois être bien compris. Chaque situation est particulière. Par exemple, dans les jugements nantais, on mobilise, à juste titre, la théorie classique de la responsabilité du fait de l’ouvrage public à l’encontre de la commune. Mais cette théorie ne pourra pas jouer systématiquement du fait de la grande diversité du statut des digues et de l’appréciation circonstanciée et donc fluctuante de la condition du lien de causalité…
Par ailleurs, s’agissant de la construction des ouvrages de protection contre la mer, le juge administratif rappelle régulièrement le principe général selon lequel « en l’absence de dispositions législatives ou réglementaires l’y contraignant, l’Etat n’a pas l’obligation d’assurer la protection des propriétés riveraines des rivages contre l’action naturelle des eaux » (CAA de Marseille, 26 janvier 2018, « SARL Californie plage », req. n° 16MA01367).
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