Comment le gouvernement va-t-il financer la suppression totale de la taxe d’habitation ? Pressés à plusieurs reprises de répondre à cette question, lors des débats sur le projet de programme de stabilité pour les années 2018-2022 à l’Assemblée nationale puis au Sénat le 18 avril, Bruno Lemaire et Gérald Darmanin (1) sont restés muets. Tout comme l’est sur ce point le texte, qui doit être transmis à Bruxelles d’ici à la fin du mois.
« Etonnant, non ? », aurait dit Pierre Desproges. Pour combler les vides laissés par ce silence, les spéculations vont bon train. « Comme la création d’un nouvel impôt est exclue, ce sont 10 à 13 milliards d’euros de dépenses supplémentaires », a souligné Albéric de Montgolfier, rapporteur général (LR) de la commission des finances du Sénat. A l’Assemblée, Véronique Louwagie (LR, Orne) dénonçait un peu plus tôt une annonce « coûteuse », accusant le gouvernement de n’avoir prévu « aucun financement, aucune intégration dans la nouvelle trajectoire de programmation des finances publiques de ce manque de recettes ». « Ce plan vous paraît fou ? Il l’est ! », lançait-elle.
« Traiter le sujet de manière différente »
Interrogé sur le sujet, Olivier Dussopt, secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’Action et des Comptes publics, rappelait dans l’après-midi que la loi de programmation des finances publiques prévoyait de « compenser à l’euro près le dégrèvement qui concerne 80 % des ménages ». Mais pas les 20 % restants.
Cette « dépense supplémentaire d’une dizaine de milliards d’euros, quand on compte la taxe d’habitation des résidences principales et des résidences secondaires », est « certainement un sujet à traiter de manière différente », esquissait-il, renvoyant aux travaux de la mission confiée à Dominique Bur et Alain Richard, dont les conclusions sont attendues dans les prochaines semaines.
Et l’ancien maire d’Annonay d’insister sur la « ligne rouge rappelée par le Premier ministre et le Président de la République » : « ne pas accroître la pression fiscale, ne pas créer d’impôts nouveaux, travailler à une réallocation des impôts locaux existants et trouver, soit par des dotations, soit par l’affectation partielle du produit d’un impôt national, les moyens de garantir l’autonomie financière des collectivités tout en réalisant les économies nécessaires ».
En attendant, les collectivités s’inquiètent. L’étude publiée par l’Observatoire des finances et de la gestion publique locales consacrée aux allègements de fiscalité directe locale et à leurs compensations, dont une synthèse avait été présentée en mars, ne sera sans doute pas de nature à les rassurer. Bien au contraire : les collectivités financent plus de 60 % des exonérations de fiscalité locale décidées par l’Etat, soit 2,5 Md€, et ces compensations sont en repli de 17 % sur six ans.
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Notes
Note 01 respectivement ministre de l’Economie et des Finances et ministre de l’Action et des Comptes publics Retour au texte