Perte d’autonomie, absence de visibilité : confrontés aux lendemains dont ils ignorent de quoi ils seront faits, les élus locaux ne se sont pas encore remis de la baisse des dotations de l’État qu’ils doivent prévoir de gérer sans la recette liée à la taxe d’habitation. Des préoccupations qu’ils ont exprimées lors du salon de l’association des maires d’Ile-de-France (Amif), mi-avril à Paris, inquiets d’un avenir incertain et de responsabilités qu’ils doivent endosser sans qu’elles soient les leurs.
Ralentir l’investissement local
Avec les conséquences de la loi de finances 2018 sur le budget communal, les maires sont convaincus que la solidarité financière se fera au détriment de leur autonomie. Et dans ce constat, la suppression de la taxe d’habitation est jugée lourde de conséquences.
« On va vers l’inconnu », a estimé Romain Colas, maire (PS) de Boussy-Saint-Antoine (Essonne, 6 930 hab.) et référent de la commission finances à l’Amif. Les collectivités s’interrogent sur « la suppression de cette manne financière qui va aussi ralentir la prise de décision de l’investissement local« , alors que la baisse des dotations de l’État a provoqué un retard de travaux et que nombre de communes ont un patrimoine qui se dégrade.
Endettement de l’Etat inchangé
Se serrer la ceinture, ils ont le sentiment de ne faire que ça, et « malgré l’effort demandé aux collectivités, l’État a toujours le même endettement », estime l’élu de l’Essonne.
Un avis partagé par Valérie Lacroute (LR), ancienne maire de Nemours (Seine-et-Marne, 13 100 hab.), députée et membre de la commission des finances à l’Assemblée nationale : « Les collectivités sont mal traitées depuis une petite dizaine d’années. Les lois Notre et Maptam ont ajouté du traumatisme, et la suppression de la taxe d’habitation ajoute du stress ».
Le maire « à portée de baffes »
Les maires sont en première ligne, « à portée de baffes et d’engueulades. On fait porter aux élus locaux des responsabilités qui ne devraient pas être les leurs », a renchéri Romain Colas, qui craint que nombre d’élus sortants ne se représentent pas en 2020, faute d’avoir « envie de passer les six prochaines années à annoncer des mauvaises nouvelles ».
Députée LREM du Maine-et-Loire, Stella Dupont s’est lancée dans une énumération de rappels, plutôt que de tenter le difficile exercice de rassurer les maires, dont elle faisait encore partie il y a quelques mois à Chalonnes-sur-Loire (6 500 hab.). En affirmant qu’il y aurait « des pistes à imaginer pour compenser » la perte de la taxe d’habitation, elle a donné du grain à moudre à son homologue LR Valérie Lacroute, pour qui ces pistes seront « des usines à gaz, si on prend aux départements pour donner aux communes, en reversant de l’argent de l’État aux départements ».
Pour Stella Dupont, « l’iniquité doit être au cœur de toutes les réflexions » alors que la taxe d’habitation actuelle peut être « inéquitable entre les communes d’un même EPCI, ou entre quartiers d’une même commune. L’esprit n’est pas de figer les collectivités dans la situation actuelle ». Tous ont donc suivi la députée LREM sur la nécessité de réformer la fiscalité locale.
Marnes-la-Coquette et Stains, pas le même combat
Pour Michel Klopfer, expert en finances locales, néanmoins, faire évoluer les valeurs cadastrales « conçues dans les années 60 » et identifier « qui va payer » sont des questions qui restent posés. « La carte grise a coûté très cher aux régions » quand elles n’en ont plus perçu le bénéfice. « La capacité de désendettement a bondi, il n’y a plus que la Normandie qui est à 2 ans. »
D’autant qu’une fois la taxe d’habitation supprimée, la situation des communes franciliennes ne sera pas la même à Marnes-la-Coquette ou Neuilly-sur-Seine – « les moins concernées » – qu’à Stains, La Courneuve ou Villetaneuse, où « 90 % de la population sera exonérée »…
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