Ce n’est en rien une surprise. Mais le constat est limpide. Les collectivités locales sont encore très loin du compte en matière d’open data. Au regard de la loi pour une République numérique, elles sont 4411 à avoir pour obligation d’ouvrir leurs données en octobre prochain. Soit celles qui comptent au minimum 3500 habitants (et 50 agents). Or, elles sont à ce jour seulement 219 à répondre aux attentes. Ce qui revient à environ 5% du total concerné. Ce bilan assez saisissant a été exposé le 21 mars par OpenDataFrance dans le cadre de la présentation de l’Observatoire open data des territoires.
Il s’agit d’un nouvel outil financé par la Caisse des Dépôts, Etalab et OpenDataFrance, que l’association produit en partenariat avec Villes-internet, la société nam.R et l’Ecole urbaine de SciencesPo Paris. Il vise à évaluer en continu le processus d’ouverture des données dans les territoires. Le tout, via une récolte automatique de ces données. A partir de ces dernières sont ensuite dégagés plusieurs indicateurs significatifs.
La première restitution, totalement centrée sur les collectivités territoriales (communes, EPCI à fiscalité propre, départements, régions), a ainsi permis d’y voir plus clair sur l’implication de ces différents acteurs, les jeux de données, les plateformes de publication et l’animation territoriale.
Effet de grappe
Si 219 collectivités locales, parmi celles qui sont soumises à l’obligation, sont donc déjà engagées dans le processus, elles sont en réalité 257 au total à être actives sur le sujet. Certaines ont en effet ouvert leurs données alors même que la loi ne les y invitait pas. Grâce à leurs élus, parfois, mais surtout grâce à des acteurs de taille supérieure.
« Si on prend Montpellier, sur les 30 communes de la métropole, la ville centre en a embarqué 20 dans l’open data. Et sur les 20, il y en a une dizaine qui font moins de 3500 habitants », note Jean-Marie Bourgogne, délégué général d’OpenDataFrance.
Un effet de grappe qui explique aussi en grande partie la progression du nombre de collectivités – y compris les plus petites – ayant ouvert des données, qui a grimpé de 81% depuis début 2017. Un pourcentage qui reste toutefois à relativiser car s’il marque une amélioration, le volume demeure faible, leur nombre étant effet passé de 142 à 257.
« Dans le cadre d’OpenDataLocale, beaucoup d’acteurs intermédiaires ont accompagné des collectivités dans leur périmètre, poursuit Jean-Marie Bourgogne. Les Côtes-d’Armor, le Syndicat mixte énergies dans le Morbihan, la ville de Montpellier ou encore le SICTIAM, dans les Alpes-Maritimes. On voit bien que le chemin pour atteindre les objectifs, ce seront surtout les petites communes qui devront le faire. Et qu’elles ne le feront que si elles sont prises en main par une structure de niveau local, régional. »
Disparités géographiques
La carte affichant les collectivités impliquées dans l’open data montre clairement qu’il existe de grandes disparités géographiques. Des acteurs historiques, en Bretagne et en Provence Alpes-Côte d’Azur sont aujourd’hui très actifs sur le sujet et emmènent avec eux de nombreuses collectivités. Néanmoins, OpenDataFrance a tenu à préciser que toutes les grosses structures publient des données, à de rares exceptions près, comme les territoires d’Outre-Mer, nettement en retard sur le sujet.
21755 jeux de données
L’observatoire a relevé 21755 jeux de données présents actuellement sur trois types de plateformes : les portails mutualisés, les portails dédiés et les sites web. Naturellement, ce sont les portails mutualisés qui regroupent une large majorité de données (14846 dont 6743 sur le seul data.gouv.fr). Il est par ailleurs intéressant de souligner que sur les 81 plateformes recensées, 41 % d’entre elles offrent des données disponibles uniquement en téléchargement, 59% permettent une consultation et 53 % proposent des API donnant accès aux métadonnées, voire aux jeux directement.
A propos des thématiques, OpenDataFrance a cherché à avoir un aperçu en se basant uniquement sur les mots-clés présents sur data.gouv.fr. La difficulté réside dans le fait que chaque collectivité possède ses propres sujets et qu’il a été difficile de produire une liste plus exhaustive. Résultat, les données du portail gouvernemental concernent principalement de grands projets territoriaux (transports et infrastructures – 32%), et l’administration locale (budget et citoyenneté/démocratie – 28%).
Les autres domaines sont en retrait, comme l’éducation et la recherche (10%) ou le logement et l’urbanisme (7%).
« C’est intéressant car s’il y a beaucoup de données sur ces grands sujets, c’est à ce niveau que l’on a intérêt à normaliser. C’est là que sont les grands enjeux », lance Jean-Marie Bourgogne. Une standardisation qui se fera « d’abord en fonction des besoins des petites communes », rappelle-t-on chez OpenDataFrance, et qui sera l’objet d’une analyse dans une prochaine version de l’observatoire.
« L’open data sert avant tout aux acteurs publics »
L’observatoire en est pour le moment à sa V0. OpenDataFrance vise une publication de données brutes en open data dès avril ainsi qu’une restitution et une analyse régulière à partir de janvier 2019.
En octobre, une V1 sera proposée à l’occasion du deuxième anniversaire de la loi République numérique. L’un des enjeux sera de proposer des informations concrètes sur les réutilisations. Un travail d’enquête sera mené auprès des acteurs publics et privés, notamment grâce à SciencesPo Paris et Villes Internet.
« C’est déjà difficile d’identifier les usages, avance Antoine Courmont, chercheur à SciencesPo. Pour nous, cela va être encore plus compliqué d’aller étudier la valeur créée par ces usages. Mais on a quelques indicateurs quantitatifs que l’on pourra demander aux collectivités à travers les “analytics” de leurs plateformes. Combien de fois leurs jeux de données sont interrogés ? Et par qui ? L’une des questions très intéressantes concerne les réutilisations internes des données par des collectivités ou par des acteurs publics du territoire. Cela montre que l’open data sert surtout et avant tout aux acteurs publics dans la mise en œuvre de leurs politiques publiques. On a des gains de coordination qui sont majeurs dans différents secteurs. »
« Pas que pour une collectivité, ajoute de son côté Luc Belot, ancien rapporteur de la loi pour une République numérique. Une PME, elle ne se saisit pas de l’open data si elle ne sait pas que ça existe et si elle ne sait pas ce qu’elle peut en faire. Il y a vraiment des territoires entiers à faire monter en compétence. »
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